Déclaration du SESJ sur l’affaire Eustachio Gallese

Version mise à jour – Le 10 février 2020

Le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice a été extrêmement attristé d’apprendre le récent meurtre d’une jeune femme, Marylène Levesque, aux mains d’Eustachio Gallese, un délinquant fédéral purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité qui était en semi-liberté dans la région de Québec.

Comme le SESJ représente plus de 2000 agents et agentes de libération conditionnelle et de programme travaillant dans les prisons fédérales et la collectivité partout au Canada, nous sommes en mesure de rendre compte des défis systémiques importants de notre système correctionnel fédéral. Malheureusement, en raison des restrictions de confidentialité, le SESJ ne peut commenter sur tous les détails que nous connaissons.

Cependant, le SESJ a des motifs raisonnables de croire qu’il ne s’agit pas d’une situation unique et qu’en effet, des visites dans des salons de massage par d’autres délinquants en liberté conditionnelle dans la communauté ont déjà eu lieu. Le SESJ se préoccupe toujours du fait que le Service correctionnel du Canada n’a pas abordé la question de sa connaissance de cette pratique.

Le SESJ reconnaît pleinement que la Commission des libérations conditionnelles du Canada a manifesté sa désapprobation, en septembre 2019, concernant la pratique de permettre à M. Gallese de se rendre dans des salons de massage. L’agent ou l’agente de libération conditionnelle et le foyer de transition privé de Québec chargés de sa surveillance ont accepté cette directive.

Partout au Canada, les agents et agentes de libération conditionnelle sont des professionnels qui prennent leurs responsabilités très au sérieux. Ils et elles travaillent sans relâche chaque jour pour assurer la surveillance cruciale des délinquants et délinquantes sous responsabilité fédérale et le SESJ estime que cette affaire n’est pas une exception.

Cette affaire a manifestement fait la lumière sur le système correctionnel fédéral dans tout le pays. À cette fin, le SESJ souhaite souligner d’autres tensions au sein des services correctionnels fédéraux : 

Notamment :

1. En 2014, le Service correctionnel du Canada a éliminé le programme d’agents et agentes de liaison en services correctionnels communautaires. Le soutien policier qui a été supprimé visait à aider les agents et agentes de libération conditionnelle dans la collectivité à faire leur travail en toute sécurité et à fournir des mesures de soutien en temps opportun lorsque les délinquants et délinquantes enfreignent leurs conditions et/ou présentent un risque pour le public. Le coût du programme est d’environ deux millions de dollars pour jusqu’à 15 agents et agentes de police à travers le pays.

2. Au cours des dernières années, on a mis de plus en plus l’accent sur la transition rapide des délinquants et délinquantes des prisons fédérales vers la collectivité. Cela n’est approprié que si la communauté dispose de ressources suffisantes pour soutenir la réintégration en toute sécurité des délinquants. Ce qui n’est souvent pas le cas. De plus, la charge de travail des agents et agentes de libération conditionnelle est déjà très élevée dans les prisons fédérales et dans la collectivité, ce qui limite leur capacité d’interagir directement avec les délinquants et délinquantes et comprendre leur état d’esprit et le risque que certains d’entre eux peuvent présenter.

3. Il y a eu d’importants changements dans les programmes de réadaptation que les délinquants et délinquantes sont tenus de suivre afin de réduire leur risque de récidive. De nombreux employé-e-s de première ligne qui supervisent les délinquants et délinquantes dans les prisons et dans la collectivité sont frustré-e-s parce qu’ils croient que ces programmes ont perdu une partie de leur pouvoir et de leur efficacité parce que :

a) les enseignants de programme n’ont plus un accès adéquat à des experts en justice pénale qui peuvent fournir un soutien dans l’exécution des programmes;

b) la plupart des programmes de réadaptation n’ont plus le même degré d’attention sur les facteurs de risque spécifiques qui ont mené au crime et sur le risque de récidive du délinquant ou de la délinquante;

c) les programmes sont plus courts qu’ils ne l’étaient, offrant aux délinquants et délinquantes moins d’outils de réadaptation une fois ces programmes terminés.

4. Il y a plus de cinq ans, le Service correctionnel du Canada a réduit de 50 % la « fréquence de contact » requise avec les délinquants et délinquantes ayant des besoins élevés résidant dans un foyer de transition ou un centre correctionnel communautaire, en raison des compressions budgétaires. Cette réduction augmente souvent les risques lorsqu’il s’agit de surveiller adéquatement le comportement et les activités des délinquants et délinquantes qui ont besoin d’une surveillance accrue, y compris le soir et la fin de semaine.

5. Un grand nombre de travailleurs et travailleuses souffrent de traumatismes liés au stress professionnel ou sont en congé en raison de l’épuisement professionnel et du SSPT. Ils et elles ne reçoivent aucun soutien psychologique spécialisé malgré le fait qu’ils travaillent avec du matériel graphique, des témoignages et des personnes qui souffrent d’abus et qui ont un passé extrêmement violent.

Selon le vérificateur général du Canada, au cours de l’exercice 2017-2018, le SCC a dépensé 160 millions de dollars, soit 6 % de ses dépenses globales, pour le programme de surveillance communautaire à l’échelle du pays. Ce programme fournit un logement, des services de santé et une supervision du personnel aux délinquants et délinquantes afin de les aider à réintégrer la communauté en toute sécurité. À l’heure actuelle, 44 % des délinquants et délinquantes sont maintenant sous surveillance à l’extérieur des établissements. Cela signifie que 6 % du budget est attribué à 44 % de la population des délinquants et délinquantes.

Afin de réduire les risques, le SESJ est d’avis que Sécurité publique Canada doit :

1. Réintroduire le programme des agents et agentes de liaison avec les services correctionnels communautaires qui jumelait des agents et agentes de police chevronné- e-s et des bureaux de libération conditionnelle communautaires afin d’appuyer une surveillance plus efficace des délinquants et délinquantes et une arrestation plus rapide, au besoin.

2. Mener une analyse externe en partenariat avec le personnel de première ligne du SESJ pour évaluer la qualité et le contenu des programmes de réadaptation du Service correctionnel du Canada, et rétablir le volet spécialisé dans la violence familiale.

3. Réduire le nombre de cas par agent et agente de libération conditionnelle dans la collectivité et dans les établissements et leur accorder beaucoup plus de temps pour entreprendre une surveillance et une évaluation significative des risques.

4. Injecter des fonds pour rétablir les programmes communautaires et appuyer les partenaires à but non lucratif afin de faciliter une transition réussie vers la collectivité.

5. Fournir un soutien psychologique important aux employé-e-s de première ligne qui sont exposé-e-s quotidiennement à des témoignages graphiques et à des histoires de délinquants et délinquantes qui ont le plus souvent de nombreux antécédents de violence. Cela aidera à prévenir la situation actuelle de congés de maladie chronique et de manque de personnel pour laquelle le SCC n’a que peu ou pas de remplaçants pour assurer des niveaux de dotation appropriés.