Dénoncer les compressions à la fonction publique fédérale: lignes directrices pour les membres et les porte-parole syndicaux

Les fonctionnaires jouissent de tous les droits civils et politiques enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés, y compris la liberté d’expressionCes droits figurent aussi au coeur de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Les dirigeantes et dirigeants syndicaux ont le droit de s’exprimer lorsqu’ils parlent au nom des membres du syndicat.

Pour les membres dans la fonction publique fédérale, cependant, ces droits sont assujettis à certaines limites.

Droits des porte-parole syndicaux à l’échelle locale, régionale et nationale

Les membres qui occupent une charge syndicale jouissent d’une latitude considérable lorsqu’ils s’expriment, à ce titre, relativement à la réduction des services publics. Quelques limites s’imposent toutefois : ils ne doivent pas faire de commentaires irresponsables (dire un mensonge, par ex.) ni malveillants (tenir des propos calomnieux ou diffamatoires contre une personne, par exemple un gestionnaire).

Droits des membres 

Le droit à la liberté d’expression des membres qui n’occupent pas de charge syndicale est plus restreint. Ceux-ci doivent trouver le juste milieu entre le droit à la liberté d’expression et leur devoir de loyauté envers l’employeur à titre de fonctionnaires neutres et impartiaux.

Les membres doivent se conformer au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et au code du ministère ou de l’organisme où ils travaillent. Cette obligation fait partie des conditions d’emploi. En vertu de ces documents, les membres doivent éviter tout conflit d’intérêts éventuel et protéger la confidentialité. L’objectif : établir une fonction publique neutre et impartiale.

En général, les membres ont le droit de dénoncer les actes répréhensibles. Ils peuvent aussi se faire entendre s’ils ont la preuve que le gouvernement commet des actes illégaux ou que la santé et la sécurité de la population canadienne sont en danger.

Cependant, les membres risquent gros s’ils font des déclarations publiques sur les politiques qu’ils administrent ou sur les décisions (comme la décision de réduire certains services) qui les touchent personnellement. Ils peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires si leurs commentaires sont perçus comme ayant une incidence sur leur impartialité ou s’ils ont une incidence sur la perception publique de leur impartialité.

Les membres peuvent fournir des renseignements concrets sur leur travail et les compressions effectuées.

Pour aider les membres à s’exprimer

Les médias attendent avec impatience d’interviewer des membres dont les emplois seront supprimés et certains de nos membres sont prêts à les rencontrer. Il faut cependant aviser ces derniers des répercussions possibles et du fait que leur syndicat peut faire ces déclarations en leur nom. Par exemple, le président d’une section locale peut déclarer que les services d’inspection des aliments seront réduits et faire état des répercussions de ces compressions sur le public sans identifier les membres qui lui ont fourni l’information.

Dans la mesure du possible, les membres doivent consulter le syndicat avant d’accepter de faire une entrevue.

Avertissement sur les déclarations anonymes

Dans certains cas, l’AFPC peut organiser des entrevues anonymes avec les médias. Les membres devraient tout de même consulter le syndicat avant de s’engager à faire une telle entrevue. On s’inquiète en particulier des répercussions sur les collègues de la personne interviewée si l’entrevue permet d’identifier le lieu de travail.

Les membres doivent également faire preuve de circonspection s’ils font des commentaires sur des sites Web ou à la radio, même s’ils ne s’identifient pas. Ils ne doivent pas utiliser les ordinateurs de l’employeur pour afficher des déclarations sur des sites Web, même s’ils le font de façon anonyme. Les commentaires qui apparaissent sur Facebook et Twitter sont également considérés comme publics et pourraient entraîner des conséquences fâcheuses.

Que faire si l’employeur exerce des représailles ou impose des mesures disciplinaires

L’AFPC entend protéger les droits de ses membres et défendra vigoureusement ses membres et dirigeants en cas de représailles ou de mesures disciplinaires.

Un membre convoqué à une rencontre avec l’employeur ou qu’on avertit de ne pas faire de déclarations doit immédiatement communiquer avec son syndicat, soit son délégué, le président de sa section locale, son Élément ou le bureau régional de l’AFPC le plus près.

Jurisprudence

L’AFPC a réussi à étendre les droits de ses membres à titre de travailleuses et travailleurs de la fonction publique.

Port d’article syndical au travail

La Commission a déterminé que l’employeur a enfreint la convention collective ainsi que l’article 5 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en interdisant aux agents des services frontaliers de l’ASFC de porter des bracelets du syndicat arborant le message « I support my bargaining team / J’appuie mon équipe de négociation ». L’employeur peut ordonner aux employés de ne pas porter un article syndical dont le message dénigre l’employeur, porte atteinte à sa réputation ou nuit à ses opérations. Dans le cas en l’espèce, le port du bracelet du syndicat est une activité syndicale légitime puisque le contenu du message inscrit sur le bracelet n’est ni illégal, ni de nature abusive.

Bartlett et al c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada) 2012 CRTFP 21

Autocollants et pétitions sur le lieu de travail

Le syndicat a déposé un grief de principe lorsque l’employeur a interdit aux employés de distribuer des pétitions et de porter des autocollants sur le lieu de travail pour faire la promotion de la campagne de l’AFPC « Touche pas à nos pensions ». La Commission a conclu que l’employeur avait enfreint la clause contractuelle sur l’élimination de la discrimination en interdisant aux employés de porter les autocollants syndicaux et d’afficher des pétitions sur le babillard. Ce matériel ne contient aucun message jetant le discrédit sur l’employeur ou nuisant à sa réputation ou à ses opérations. L’employeur n’a toutefois par enfreint la convention collective en interdisant l’usage de son réseau électronique pour diffuser la pétition. Ce réseau est la propriété de l’employeur et ce dernier a le droit d’en restreindre l’utilisation.

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor du Canada, 2011] CRTFP 106

Participation à des activités politiques :

Une employée du ministère du Patrimoine canadien a été congédiée pour avoir refusé de démissionner de son poste de présidente d’un organisme souverainiste québécois et déclaré ouvertement aux médias son appui envers les objectifs de cet organisme. La Commission a reconnu que les fonctionnaires ont le droit de participer à des activités politique tout en préservant la réalité et la perception d’une fonction publique impartiale et efficace. À son avis, le congédiement était excessif. La Commission a donc ordonné à l’employeur de reprendre l’employée à son service et de lui offrir un poste équivalent qui ne présente aucun conflit d’intérêts.

Gendron c. Conseil du Trésor (ministère du Patrimoine canadien), 2006 CRTFP 27 – voir le résumé sur le site Web de la CRTFP

Critique publique d’une politique gouvernementale

Une employée de Santé Canada a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir critiqué publiquement la politique gouvernementale visant à interdire l’importation du boeuf brésilien. La suspension de la plaignante a été réduite, ayant été jugée excessive. La Commission a réprimandé la plaignante pour s’être exprimée publiquement avant de faire appel au processus de recours interne de l’employeur. Les commentaires de la plaignante ne s’insèrent pas parmi les exceptions au devoir de loyauté puisqu’ils ne constituent pas une dénonciation légitime.

Haydon c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 10 – voir le résumé sur le site Web de la CRTFP

Impartialité de la fonction publique 

Un employé de Revenu Canada a été congédié pour avoir critiqué ouvertement le projet du gouvernement visant à adopter une politique de conversion au système métrique et la Charte canadienne des droits et libertés. Le congédiement a été maintenu. Cette cause précédant la Charte a servi à définir l’équilibre qui doit exister entre le droit à la liberté d’expression et le devoir de loyauté des employés. La Cour est d’avis que les employés de la fonction publique peuvent se prononcer sur des enjeux publics. Elle souligne toutefois que les fonctionnaires sont tenus de faire preuve d’un certain degré de modération dans leurs actions relatives aux critiques des politiques du gouvernement, de sorte que la fonction publique soit perçue comme impartiale et efficace dans l’accomplissement de ses fonctions. Si, par exemple, le gouvernement commettait des actes illégaux ou si ses politiques mettaient en danger la vie, la santé ou la sécurité du public canadien, la liberté de parole aurait préséance sur le devoir de loyauté de l’employé.

Fraser c. CRTFP [1985] 2 RCS 455 – voir les paragraphes 41 à 43 et 50 – consulter le site Web de la Cour suprême du Canada