Le 8 juin dernier, le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, une organisation nationale, a tenu une réunion avec 16 agent-e-s de libération conditionnelle fédéraux et l’honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique du Canada. La députée Pam Damoff, secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique, était également présente.
La réunion avait pour objectif de mettre en relief les conclusions d’un récent rapport rédigé par Rose Ricciardelli, éminente chercheuse en sécurité publique, sur l’incidence élevée de traumatismes liés au stress professionnel chez les agent-e-s de libération conditionnelle fédéraux. Le SESJ a également mis l’accent sur certaines des possibilités uniques et certains des défis de taille du système correctionnel fédéral en matière de réhabilitation et de réinsertion efficaces des délinquant-e-s fédéraux.
Le SESJ a sélectionné seize agent-e-s de libération conditionnelle de tout le pays pour participer à la table ronde, un groupe reflétant la diversité, les régions et les langues des membres du SESJ. Nous nous sommes efforcés de trouver un équilibre entre les établissements fédéraux et la collectivité et de faire en sorte que la voix des responsables des agent-e-s de libération conditionnelle et des gestionnaires de l’évaluation et des interventions soit également représentée.
L’un des messages clés sur lequel insiste le SESJ depuis un certain nombre d’années est que le Plan d’action pour la réduction du déficit du gouvernement fédéral (2014) a entraîné plusieurs compressions lourdes de conséquences dans les services de première ligne, et que ces compressions ont pesé sur la sécurité publique. Elles ont aussi eu des répercussions à long terme, et le personnel correctionnel fédéral, qui œuvre à la réhabilitation et la réinsertion des délinquant-e-s sous responsabilité fédérale, ne s’en est pas entièrement remis.
Nous pensons notamment ici aux mesures suivantes du Service correctionnel du Canada : 1) ressourcement « minimal » pour le travail de libération conditionnelle et de gestion des cas; 2) utilisation, à l’heure actuelle, d’outils comme l’approche de type Lean pour déterminer le nombre de bureaux de libération conditionnelle dans la collectivité et le nombre de membres de personnel de soutien par emplacement; 3) la compression des services essentiels d’évaluation initiale et d’évaluation du risque des délinquants fédéraux à certains endroits, y compris l’Établissement de Joyceville, entraînant des volumes de travail insoutenables qui, en fin de compte, nuisent aux délinquant-e-s, compromettent la sécurité publique et créent des conditions propices aux traumatismes liés au stress professionnel.
En raison du nombre constamment élevé d’incidents de harcèlement et des problèmes de bien-être au travail, le Service correctionnel du Canada se classe systématiquement au bas de l’échelle des ministères et organismes fédéraux. Ce travail que font les membres du SESJ pour assurer la sécurité de la population canadienne est difficile, et les enjeux qui y sont associés sont de taille. Si d’importantes améliorations ne sont pas apportées à ce travail, comme ce que nous proposons ci-dessous, nous doutons que les délinquant-e-s puissent recevoir le temps et l’attention nécessaires à une réhabilitation efficace et à une réinsertion sûre dans la collectivité.
Lors de la réunion, le SESJ a également rappelé qu’avec l’élection des Libéraux au gouvernement fédéral en 2015, puis à nouveau en 2019 et en 2021, il y a eu une nouvelle volonté d’améliorer l’accès à la libération conditionnelle et les services aux délinquant-e-s ayant des besoins complexes, qu’il s’agisse d’Autochtones, de personnes racialisées ou de personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Pourtant, hormis la création d’unités d’intervention structurée dans les pénitenciers fédéraux, il n’y a pratiquement pas eu de nouveaux investissements pour soutenir ces délinquant-e-s fédéraux et le personnel qui travaille étroitement avec eux. Par conséquent, le nombre d’incidents liés au stress professionnel chez les agent-e-s de libération conditionnelle et les autres membres du personnel correctionnel est extrêmement élevé, comme l’illustre le plus récent rapport du SESJ, dirigé par Mme Rose Ricciardelli.
Le ministre Mendicino s’est montré très réceptif aux expériences et perspectives exprimées par les membres du SESJ à l’occasion de cette réunion. Il a été généreux de son temps et a affirmé plus d’une fois son engagement à améliorer le système correctionnel fédéral de façon plus globale afin que les employé-e-s des services correctionnels puissent travailler avec efficacité.
À court terme, nous exhortons le ministre Mendicino à demander à la commissaire Anne Kelly d’honorer l’engagement du Conseil du Trésor à maintenir un modèle de travail hybride efficace pour les employé-e-s de la fonction publique fédérale en prenant les mesures suivantes :
- Réduire la charge de travail dans les bureaux de libération conditionnelle des pénitenciers fédéraux, les bureaux de libération conditionnelle dans la collectivité et les centres correctionnels communautaires (qui accueillent les délinquant-e-s présentant les risques les plus élevés) afin de permettre au personnel de passer plus de temps avec les délinquant-e-s, en particulier ceux et celles qui ont des besoins complexes, qu’il s’agisse de personnes autochtones, racialisées ou souffrant de problèmes chroniques de santé mentale;
- Faire travailler des agents de libération conditionnelle supplémentaires dans chaque région et à divers emplacements dans le but précis de fournir les ressources nécessaires à ce travail intensif d’évaluation et de réhabilitation dans les pénitenciers fédéraux et dans la collectivité. Il s’agit notamment de créer un système permettant aux agent-e-s de libération conditionnelle qui prennent congé de confier les dossiers des délinquant-e-s qu’ils et elles supervisent à un-e autre agent-e de libération conditionnelle qui n’a pas déjà ses propres dossiers à gérer. Grâce à cette approche de poste de « remplacement » assigné, les délinquant-e-s n’auront pas à subir d’importantes perturbations dans l’accès aux services de soutien; les agent-e-s de libération conditionnelle n’auront pas à jongler avec une charge de travail entière en plus de la leur; et les agent-e-s de libération conditionnelle qui ne sont pas au travail ne seront pas tourmentés par l’inquiétude ou la culpabilité pendant leur congé obligatoire.
- Rétablir le programme d’agent-e de liaison avec les services correctionnels communautaires afin de minimiser le risque de violence pour les agent-e-s de libération conditionnelle dans la collectivité lorsqu’ils ou elles visitent des délinquant-e-s à risque élevé à leur domicile ou sur leur lieu de travail, et de réduire également le risque que des délinquant-e-s se retrouvent en liberté illégale.
- Procéder à une refonte du programme fédéral d’avantages sociaux des employé-e-s de la sécurité publique et de la justice afin d’augmenter de manière importante (de 2 000 $ à 9 500 $) l’accès à des psychologues et à d’autres spécialistes en santé mentale du secteur privé qui sont qualifiés et sensibilisés aux traumatismes. Le programme fédéral d’aide aux employé-e-s n’est pas conçu pour fournir des soins approfondis et à long terme qui tiennent compte des traumatismes. Les programmes de soutien par les pairs, de préparation à la santé mentale et de résilience ne sont pas non plus adaptés aux personnes qui travaillent jour après jour avec des délinquant-e-s (dont la plupart souffrent de traumatismes) ou des documents crus et traumatisants (déclarations de témoins, détails explicites de crimes et de leurs répercussions, etc.). Le fait d’améliorer l’accès au programme fédéral d’avantages sociaux réduira à long terme le nombre de congés de maladie et permettra aux employé-e-s des services correctionnels et de la justice d’être plus efficaces dans leur travail auprès des délinquant-e-s.
- Réinvestir dans les services de psychologues et de spécialistes en santé mentale qui peuvent travailler avec les agent-e-s de programmes correctionnels pour soutenir la réhabilitation des délinquant-e-s fédéraux à haut risque et à besoins élevés. Parallèlement, il faut accélérer les investissements dans des programmes communautaires et provinciaux spécialisés qui outillent les délinquant-e-s et leur facilitent l’accès à l’emploi, aux programmes de guérison menés par les Autochtones, au soutien en matière de toxicomanie, aux traitements en santé mentale et aux programmes de lutte contre les gangs. Ces fonds doivent être protégés afin d’être exclusivement engagés dans la collectivité et non réacheminés dans les pénitenciers fédéraux, ce qui compromettrait les résultats positifs de la réinsertion des délinquant-e-s.