Chère Commissaire Kelly,
Nous avons eu l’occasion d’examiner les mises à jour de la Note de service de la commissaire en ce qui concerne la mise en œuvre de certaines des recommandations du Comité d’enquête.
Malheureusement, nous ne sommes pas d’avis que les révisions de votre note de service la plus récente datée du 5 mars, 2021 abordent correctement certains des problèmes importants que le SESJ a signalés à plusieurs reprises en ce qui concerne la viabilité des examens administratifs que le SCC demande pour les délinquants ayant commis une infraction figurant à l’annexe 1.
Ces problèmes comprennent l’aspect pratique pour les agents et agentes de libération conditionnelle de demander et d’obtenir des centaines de pages de documents judiciaires (contenant souvent des témoignages et des analyses contradictoires sur ce qui a mené la personne à commettre un délit) – dont la plupart ne seront pas obtenus dans les délais prévus pour des raisons totalement indépendantes de la volonté de l’agent ou de l’agente de libération conditionnelle.
Comme le SESJ et de nombreux agents et agentes de libération conditionnelle l’ont souligné, les services de police et les tribunaux prennent souvent plusieurs mois, parfois des années, pour fournir cette documentation et la rendre accessible aux employé-e-s du SCC.
De plus, une fois la documentation obtenue, le SESJ est très préoccupé par le manque de capacité et de temps pour permettre aux agents et agentes de libération conditionnelle d’examiner attentivement et d’incorporer toute nouvelle information aux outils d’évaluation des risques, en particulier pour les délinquants qui sont souvent à mi-chemin dans leur peine.
Compte tenu de ces préoccupations, au lieu d’apporter des améliorations notables à l’évaluation des risques, les tâches décrites dans la récente Note de service de la commissaire réduisent largement cet effort à un exercice de collecte de documents.
À cette fin, nous demandons une suspension immédiate de la directive fournie dans votre note de service jusqu’à ce que le SCC consulte pleinement le SESJ sur une voie tenable pouvant être acceptée par les deux parties et reflétant une compréhension plus réaliste des défis que représentent l’obtention et l’incorporation de ces informations en premier lieu.
Comme nous vous l’avons dit à plusieurs reprises, à vous et à vos représentants, si le SCC insiste pour emprunter cette voie, il doit investir dans ses équipes régionales de recherche d’information et les déployer afin de relever les défis administratifs liés à la demande, au suivi, au catalogage et au partage de cette information avec les agents et agentes de libération conditionnelle.
De plus, le SCC doit prévoir que des heures supplémentaires seront nécessaires et que les délais seront prolongés, afin que les agents et agentes de libération conditionnelle, déjà surchargés, soient compensés pour l’effort et le temps considérables qu’ils et elles consacrent à réexaminer les risques que présentent les délinquants, compte tenu de l’introduction de nouveaux documents écrits, souvent très longs, par les tribunaux.
Le SESJ comprend à quel point le Service correctionnel du Canada compte (à juste titre) sur son personnel d’intervention (réadaptation) pour fournir des programmes correctionnels et une supervision essentiels aux délinquants résidant dans les pénitenciers fédéraux – et à ceux qui sont en train de réintégrer les communautés à travers le pays.
Ce personnel d’intervention comprend les quelque 1 400 agents et agentes de libération conditionnelle fédéraux du Canada, ainsi que des centaines d’agents et agentes de programme, d’agents et agentes de liaison avec les Autochtones, d’enseignants et enseignantes, de personnel administratif et de services alimentaires, entre autres.
Comme nous l’avons déclaré en public et en privé depuis plusieurs années, le SESJ a observé une nette érosion des ressources en ce qui concerne la gestion générale des délinquants par les agents et agentes de libération conditionnelle.
Dans le même temps, on a assisté à une intensification des responsabilités imposées aux agents et agentes de libération conditionnelle qui supervisent une population de délinquants fédéraux ayant de plus en plus de besoins.
Depuis 2014, de nombreux rapports et affaires judiciaires ont mis en évidence le besoin d’aborder la réinsertion des délinquants avec plus de nuance et de soin étant donné la pertinence des histoires sociétales et des identités personnelles des délinquants, déclenchant de nombreux nouveaux protocoles et efforts.
Cela s’est produit au moment où le SCC a absorbé des coupes importantes dans le cadre du Plan d’action pour la réduction du déficit en 2014-2015, ce qui a augmenté la charge de travail des agents et agentes de libération conditionnelle, réduit les soutiens administratifs et n’a permis que peu ou PAS de remplacer les agents et agentes de libération conditionnelle en congé de maladie, en détachement, ou absents pour une période prolongée.
Cinq ans plus tard, cela a produit une situation très difficile où les agents et agentes de libération conditionnelle ne peuvent plus assumer le fardeau de bons résultats en matière de sécurité publique, sans considérablement plus de personnel, et plus de soutiens administratifs, pour faire ce travail incroyablement lourd de conséquences.
Les agents et agentes de libération conditionnelle sont tenus par la loi de préserver la sécurité publique et de gérer le risque de manière appropriée afin d’éviter la récidive et de minimiser le danger pour le public que représentent les personnes condamnées à des peines de ressort fédéral.
Ces fonctions font partie intégrante de la confiance que les Canadiens ont dans le système correctionnel fédéral, confiance qui est parfois ébranlée à la lumière de certains problèmes persistants et chroniques auxquels le SCC continue de faire face.
Il est fondamental que les soutiens appropriés soient en place pour que le système correctionnel, y compris le rôle que les agents et agentes de libération conditionnelle y jouent, fonctionne comme prévu et comme les Canadiens s’y attendent.
À cette fin, la mort par mille coupures n’est plus une option. La plus récente Note de service de la commissaire ne correspond pas aux dures réalités auxquelles la plupart des agents et agentes de libération conditionnelle sont confrontés chaque jour. Une consultation réfléchie et productive avec le SESJ doit immédiatement être amorcée afin de résoudre l’impasse actuelle.
Par conséquent, comme indiqué ci-dessus, nous demandons la suspension immédiate de la directive fournie dans votre récente Note de service de la commissaire.
Le SESJ vous demande instamment d’entamer rapidement un véritable dialogue avec ses dirigeants afin que nous puissions reconnaître et affronter les défis que nous avons décrits dans toute leur complexité, et trouver des solutions viables qui permettront finalement de mettre en œuvre les recommandations du Comité d’enquête.
Je vous prie d’agréer, Madame la Commissaire, l’expression de ma considération distinguée,
Stan Stapleton
Président du SESJ