Le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice travaille activement avec le Service correctionnel du Canada pour pouvoir prendre les mesures nécessaires pour que chaque employé-e se sente en toute sécurité pendant cette période de la pandémie de COVID-19. Cela comprend tous les aspects des opérations correctionnelles, y compris la libération conditionnelle dans la communauté et les installations de CORCAN.
Malheureusement, il a été difficile de s’assurer que les protocoles sont à jour et appliqués dans tout le pays. L’USJE est déçue par ces développements, mais reste optimiste quant à la possibilité de résoudre rapidement les problèmes, à condition que les préoccupations des membres soient prises au sérieux et que les communications du SCC soient fortes et claires.
C’est pourquoi le SESJ a envoyé une lettre détaillée à la commissaire Anne Kelly le mercredi 18 mars à 11 h 30 afin de tirer la sonnette d’alarme sur les risques encourus par nos membres et les délinquants et délinquantes. Cette lettre a donné lieu à une discussion importante avec la commissaire et son équipe, et de nouveaux protocoles sont en voie d’élaboration.
Le président Stan Stapleton et le vice-président David Neufeld continuent toutefois de recevoir des rapports contradictoires en provenance des premières lignes. Nous sommes en contact quotidien avec le Service correctionnel. Le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, est également informé des développements et des préoccupations.
Nous vous tiendrons informés de nos progrès.
Mme Anne Kelly
Commissaire
Service correctionnel du Canada
Ottawa (Ontario)
En date du mercredi 18 mars à 11 h 30
Mme Kelly,
Comme vous le savez, au cours des vingt-quatre dernières heures, le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité de la Justice a soulevé d’importantes préoccupations quant à l’approche adoptée par le Service correctionnel du Canada pendant la pandémie.
Étant donné que les employés de première ligne du SCC, en particulier le personnel de réadaptation, travaillent dans des environnements diversifiés et dynamiques où certaines personnes sont plus vulnérables à la contagion et donc exposées à un plus grand risque, il est impératif que des mesures soient immédiatement mises en place pour les protéger.
Comme nous le savons tous, si la propagation du virus n’est pas contenue ou ralentie dans toutes les régions du Canada, elle exacerbera les pressions sur notre système de soins de santé et des gens mourront. Si le virus commence à se propager dans les établissements et les bureaux de libération conditionnelle communautaire du SCC, le personnel et les établissements de soins de santé locaux se verront imposer un fardeau excessif et la sécurité publique sera compromise.
À cette fin, une approche de « statu quo » n’est ni appropriée ni responsable en ce moment. Si les employé-e-s du SCC tombent malades, ils et elles devront se tenir à l’écart de leur milieu de travail.
Il faut donner une orientation cohérente au personnel de première ligne pour s’assurer que nos membres sont protégés dans la mesure du possible. Cette directive doit provenir de l’Administration centrale.
Le SESJ craint beaucoup pour la santé et la sécurité de ses membres et croit qu’il y a des mesures qui peuvent être mises en place pour protéger les employé-e-s, les délinquants et délinquantes et l’organisation.
Cela dit, il faudra trouver des mesures d’adaptation pour que les autres membres en première ligne ne soient pas submergés par la quantité de travail, et qu’ils tombent malades eux ou elles-mêmes ou qu’ils ou elles s’épuisent.
Le SCC doit fonctionner différemment du passé si nous voulons réussir à nous en sortir pendant cette période critique. Nous nous demandons pourquoi le SCC n’en est pas lui-même entièrement arrivé à cette conclusion et pourquoi nous devons en faire tellement, en tant que syndicat, pour insister sur différents protocoles.
Toutefois, pour aller de l’avant, le SESJ croit fermement que les mesures suivantes doivent être mises en place dans toutes les régions, dans tous les centres correctionnels communautaires, dans les bureaux de libération conditionnelle communautaires et dans les établissements partout au pays.
De notre point de vue, bien que certaines mesures aient été récemment adoptées par le SCC, elles ne sont pas suffisantes et n’avaient pas entièrement été mises en œuvre au moment de la présente lettre.
i. Protocoles pour les établissements fédéraux
Le SESJ estime que les établissements du SCC devraient adopter la routine de fin de semaine pour au moins deux semaines. Cette approche devrait être revue tous les dix jours. Si le virus s’infiltre dans nos établissements, ce n’est qu’une question de temps avant que les détenu-e-s et le personnel soient infectés en raison de la nature confinée d’un établissement.
Il faut limiter les interactions à un contact individuel avec les détenu-e-s. La prestation de programmes, d’éducation et de formation des détenu-e-s, et la production CORCAN, etc. doivent être suspendus pendant au moins deux semaines.
L’auto-isolement est difficile dans un environnement confiné comme un établissement. Le fait de s’attendre à ce que les détenu-e-s respectent la « règle des deux mètres » en vertu du principe d’« éloignement social » est tout simplement irréaliste et ajoute une pression indue sur l’ensemble du personnel.
Autres mesures à adopter :
1. Veiller à ce que les employé-e-s qui ont voyagé s’isolent pendant 14 jours;
2. Suspendre les absences temporaires avec et sans escorte et les placements à l’extérieur;
3. Suspendre les permissions de sortir avec escorte à des fins médicales, sauf pour les urgences ou les besoins urgents;
4. Suspendre les activités de groupes externes (AA/GA/NA) avec des bénévoles;
5. Suspendre toutes les visites de bénévoles et de familles de délinquants et délinquantes;
6. Limiter les visites des entrepreneurs aux travaux essentiels seulement et assurer un processus de dépistage en deux étapes à la porte avant qu’ils ne soient autorisés à entrer. Cette procédure doit être appliquée. En date d’hier, le 17 mars, le personnel de première ligne du SCC signalait que des entrepreneurs étaient entrés dans au moins un établissement fédéral du SCC pour des travaux non essentiels;
7. Mettre TÉLÉTRAVAIL à la disposition du plus grand nombre possible d’employé-e-s de réadaptation et de première ligne du SCC : le SCC devrait encourager et aider les employé-e-s à travailler à domicile dans la mesure du possible. Il semble présentement y avoir une forte réticence dans certains établissements à autoriser le télétravail;
8. Le congé doit être accordé aux employé-e-s touché-e-s par les fermetures de garderies et d’écoles.
Défis particuliers pour les agents et agentes de libération conditionnelle et les autres membres du personnel des établissements
La direction doit élaborer un plan clair sur la façon dont le télétravail sera mis en œuvre. À l’heure actuelle, les employé-e-s doivent demander pour faire du télétravail et discuter de la demande avec leur superviseur-e. Le ou la superviseur-e doit évaluer la demande et la recommander au directeur ou à la directrice pour approbation.
Le SESJ estime que la plupart des établissements n’en font pas actuellement assez pour faciliter, encourager ou organiser un tel arrangement pour les employés. Il ne semble pas y avoir de plan pour évaluer comment cela serait entrepris et quel-le-s employé-e-s seraient essentiels aux exigences opérationnelles les plus élémentaires.
Il y a aussi des problèmes autour du manque d’ordinateurs portatifs. Dans un établissement il n’y a que trois ordinateurs portatifs pour environ 12 agents et agentes de libération conditionnelle en établissement. Il semble que le télétravail soit mis à la disposition des directeurs et directrices, des GAI, des gestionnaires des programmes et d’autres cadres intermédiaires. Cela ne laissera probablement pas d’ordinateurs portatifs pour d’autres membres du personnel.
ii. Centres correctionnels communautaires (CCC)
De réelles préoccupations ont été soulevées quant à la façon dont les contacts seront gérés à ces endroits, les délinquants et délinquantes ayant un accès libre à la collectivité. Ces sites comptent déjà peu d’agents et agentes de libération conditionnelle ou autres employés. Si seulement quelques agents ou agentes de libération conditionnelle tombent malades, le SCC aura de la difficulté à maintenir les contacts et la supervision appropriés des délinquants et délinquantes dans les CCC.
Le télétravail devrait être offert au plus grand nombre possible d’employé-e-s. Ce n’est qu’une question de temps avant que le virus s’infiltre dans les CCC par l’intermédiaire d’un délinquant, d’une délinquante ou d’un membre du personnel. Vivant à proximité les uns des autres, il est fort probable que le virus passe partout dans l’établissement en quelques jours ou semaines.
La sécurité dans les centres correctionnels communautaires est gérée par les Commissionnaires. Il s’agit souvent d’individus plus âgés et qui correspondent à la description de ceux qui, dans notre population, sont les plus à risque de contracter le virus.
Quels sont les plans d’urgence si les Commissionnaires ne sont plus en mesure de fournir des services dans ces endroits? Le SCC doit immédiatement examiner le recours aux agents et agentes correctionnel‑le‑s pour fournir les services de sécurité.
iii. Libération conditionnelle communautaire
À compter de ce matin, nous avons été encouragés par une récente communication du SCC à l’égard de la gestion des délinquants et délinquantes dans la collectivité. Toutefois, il est essentiel de veiller à ce que la direction soit habilitée à faire respecter ces protocoles et qu’elle appuie son personnel de première ligne. En plus de ce qui a été communiqué, il faut tenir compte des éléments suivants :
Le SESJ recommande les protocoles suivants pour la surveillance communautaire :
1. Visites à domicile : Pas besoin d’aller au domicile du délinquant ou de la délinquante. Les visites à domicile pourraient se faire en demandant à un agent ou une agente de libération conditionnelle de se rendre au domicile du délinquant ou de la délinquante et de l’appeler. Le délinquant ou la délinquante pourrait sortir et parler à l’agent ou l’agente de libération conditionnelle par téléphone.
2. Visites de bureau : Le délinquant ou la délinquante ne doit pas entrer dans le bureau de l’agent ou de l’agente.
3. On peut parler aux délinquants ou délinquantes à travers le plexiglas plutôt que dans le bureau.
Il faudrait songer à la façon dont les déplacements au bureau peuvent exposer les délinquants ou délinquantes au virus et comment ils et elles pourraient en fait transmettre le virus dans le transport en commun, etc. Si un délinquant ou une délinquante arrive au bureau, l’entrevue aura lieu à l’extérieur du bureau des libérations conditionnelles, dans un espace ouvert (à l’extérieur de l’immeuble) et l’éloignement social doit être pratiqué.
4. Fréquence de contact
Les FDC évalués exigeraient seulement que la moitié des visites soient en personne (comme indiqué ci-dessus). Les cas de FDC restants pourraient se faire par téléphone.
Niveau I : 4 fois par mois
2 visites en personne (au bureau ou dans la communauté)
2 entrevues par téléphone
Niveau II : 8 fois par mois
4 visites en personne (au bureau ou dans la communauté)
4 entrevues par téléphone
5. Évaluations communautaires :
- Peuvent être faites par téléphone pour les deux prochaines semaines.
- Les visites à domicile pourraient avoir lieu à une date ultérieure ou de la même manière que les visites dans la communauté si la date de libération est proche.
6. Programmes :
- Aucun programme de groupe ne doit être offert pendant les deux prochaines semaines.
- Les programmes pourraient être offerts individuellement par téléphone.
7. Tous les autres membres du personnel dans la communauté : Aucun contact en personne pour les deux prochaines semaines. Cela pourra être réévalué dans 10 jours.
Les ALOC, les ADCA et les coordonnateurs et coordonnatrices de l’emploi peuvent entretenir des contacts téléphoniques avec les délinquants et délinquantes au cours des deux prochaines semaines.
8. Opérations de CORCAN dans la communauté : Devraient être suspendues pendant deux semaines. Cela pourrait être réévalué dans 10 jours.
De toute évidence, au nom de moi-même et de l’équipe direction du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, nous croyons fermement que nous devons limiter les rencontres en personne autant que possible au cours des prochaines semaines afin de protéger les employé-e-s et les délinquants et délinquantes.
Nous sommes dans une période sans précédent. Ces temps sans précédent exigent que nos organisations fassent les choses différemment et qu’elles soient agiles dans leurs approches.
Le SCC doit agir de façon à protéger la santé et la sécurité de son personnel dans la mesure du possible tout en remplissant son mandat de maintien de la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes.
Le SESJ croit que les propositions ci-dessus avancent ces objectifs et que si elles ne sont pas mises en œuvre, la capacité du SCC de s’acquitter de son mandat est mise en péril et que la sécurité publique sera compromise.
Nous vous exhortons à agir rapidement.
Cordialement,
Stan Stapleton
Président national
M. Chris Aylward, président, Alliance de la Fonction publique du Canada
M. Dan Llindenas, Bureau de l’honorable Bill Blair