Longue vie à La Puya ! Troisième et dernière dépêche de Lynette au Guatemala

Nos derniers jours au Guatemala nous ont ramenés dans la capitale, mais nous n’avions pas encore fini d’apprendre. Une nouvelle forme de lutte a vu le jour durant l’histoire récente du pays. En effet, le Guatemala possède beaucoup plus qu’une culture, une cuisine, des gens et des paysages fantastiques. Il recèle une pléthore de richesses naturelles comme du pétrole, du nickel, du plomb, du zinc, du fer, de l’or, de l’argent et du jade qui intéressent les grandes entreprises. Pour comprendre ce qui se passe dans ces communautés, nous en avons visité une où une minière américaine opère illégalement avec un permis suspendu à La Puya. 

En 2000, une grande entreprise est arrivée à La Puya pour effectuer des «analyses du sol». La population locale ne s’en doutait pas, mais il s’agissait en fait d’une entreprise minière qui passait ses journées à bâtir un tunnel, cherchant de l’or et faisant éclater des rochers bourrés d’arsenic. Lorsque les membres de la communauté ont appris ce que faisait cette entreprise minière et quelles en étaient les conséquences sur la collectivité et les familles, elles et ils ont entrepris de résister et d’ériger une barricade pour empêcher les machines d’entrer dans leur communauté.  

Nous avons passé quelques heures avec Don Antonio Reyes, un représentant de la résistance. Un homme simple, incroyablement intelligent, bien articulé et qui se souvient des dates et des faits comme s’ils étaient écrits devant lui dans un livre. Mais il ne consultait pas de notes, il nous racontait son histoire en se balançant dans un hamac. Nous avons tous été captivés par Don Antonio pendant qu’il nous expliquant ce qui lui était arrivé à lui, au groupe de résistance et à la collectivité de La Puya, dans leur combat pour stopper l’entreprise minière parce qu’elle n’avait pas consulté la population avant de creuser et n’avait pas obtenu de permis pour extraire de l’or.  

Nous avons entendu des récits d’incarcérations (jugées injustifiées et suivies de libérations), de fusillades (n’ayant jamais fait l’objet d’enquêtes) et d’extrême intimidation en présence d’un nombre excessif de policiers. La police stationne tous les jours et toutes les nuits ses véhicules à l’entrée de la communauté depuis quatre ans. Avec le soutien du Centre pour le droit environnemental et l’action sociale (CALAS), les membres de la résistance reçoivent de l’aide devant les tribunaux quant aux impacts juridiques et environnementaux des opérations minières. Même si le processus est long et que la cause semble parfois perdue, des progrès ont été réalisés avec l’aide du CALAS et l’attention de communautés internationales.  

Le 22 février 2016, après quatre ans de résistance, la Cour suprême du Guatemala a suspendu le permis de l’entreprise. C’est une grande victoire pour La Puya et pour les droits des communautés à être consultées avant les projets. La décision de la Cour suprême est basée sur le fait que l’entreprise a démarré ses opérations sans obtenir auparavant le consentement libre et informé des communautés affectées, tel que requis aux termes du droit guatémaltèque et international. En particulier, dans la Convention 169 de l’OIT. La population de La Puya a chanté «Longue vie à La Puya!» et «Oui à la vie! Non aux mines!» le jour du jugement de la Cour suprême. 

Toutefois, malgré la révocation de son permis, l’entreprise continue à creuser et à briser des rochers pleins d’arsenic. La communauté ne peut plus faire pousser de riz et de fèves sur la terre en raison du niveau élevé de contamination du sol.

Même s’il est très décourageant de voir ce que font les autorités et les entreprises dans des communautés comme La Puya, nous avons été réconfortés par l’intense solidarité entre les membres de la résistance et par leur pouvoir de se rassembler pour protéger leurs terres et leur communauté. Elles et ils ont dormi près des barricades, y ont mangé et y ont même installé des toilettes temporaires. Leur solidarité devant l’adversité est remarquable et ces hommes et ces femmes vont continuer de manifester pacifiquement plutôt que d’accepter la perte des terres qui devraient revenir à leurs enfants et petits-enfants. Cette histoire n’est pas terminée.  

Dans l’ensemble, mon expérience au Guatemala restera gravée dans mon cœur pour toujours. Même si j’ai trouvé très difficile de voir la pauvreté et les conditions de vie des enfants, sachant que les familles des régions rurales doivent choisir entre nourrir leurs enfants ou les envoyer à l’école, et même de voir des enfants vendre des choses dans les rues pour aider financièrement leurs familles, j’en reviens avec l’incroyable sentiment d’avoir été témoin privilégiée de leur vie. 

Bien que de nombreux films et documentaires dépeignent ces situations, habituellement avec beaucoup de justesse, rien ne vaut l’expérience sur le terrain. La pauvreté a été difficile à voir, mais je dois également admettre que les gens semblaient relativement heureux. Les enfants jouaient et s’amusaient et j’ai été touchée par un sens de la communauté très développé, ainsi que par la force du lien et de l’amour qui unissent les gens.  

C’est une chose que j’ai vraiment admirée chez les Guatémaltèques et en fait, ce qui m’est arrivée de plus incroyable pendant mon séjour de deux semaines fut de voir plus de 200 personnes joindre leurs efforts, un certain soir, pour littéralement sortir un camion de la cour d’école après qu’il ait fait une chute de 10 pieds en répandant tout le matériel de construction qu’il contenait. Il s’agit de la même école où je transportais de la terre. Pendant plus de trois heures, nous avons tous ensemble tiré le camion pouce par pouce en remontant un escalier et en contournant les toilettes. Je n’avais jamais rien fait de semblable dans ma vie et j’ai de la difficulté à l’expliquer avec des mots. Toute la communauté s’est unie pour sortir le camion de là afin que les enfants puissent aller à l’école le lundi matin. Une expérience indescriptible et pleine d’émotions que je suis très reconnaissante d’avoir pu vivre. 

Je veux maintenant en savoir plus sur les façons de concrétiser notre solidarité avec les gens du Guatemala qui luttent pour le droit de vivre au quotidien. Une chose facile à faire consiste à acheter leur café biologique cultivé à l’ombre, le café équitable Justicia. Le produit de la vente est directement réinvesti dans le développement de programmes d’éducation et de bourses d’études dans la communauté. Vous pouvez contribuer à ce projet en contactant Janet St. Jean à stjeanj@psac-afpc.com pour commander votre café biologique équitable.  

Merci beaucoup à Éducation en action et au Fonds de justice sociale de l’AFPC pour cette incroyable expérience. Je ne l’oublierai jamais.

Lynette Robinson, 
VRP du SESG (GRC, Justice, SPPC)