​« Incroyablement frustrant » : Une enquête conclut que les lacunes en matière de sécurité perdurent plusieurs années après le meurtre d’une agente de libération conditionnelle

Vous pouvez lire ci-dessous un excellent article sur les lacunes de sécurité qui persistent pour les agents de libération conditionnelle en collectivité à travers le pays. Stan Stapleton, président national du SESG, déclare:

« Nous avons besoin de plus d’agents de libération conditionnelle dans la communauté. Il n’y a absolument aucun doute à ce sujet ». 

Le SESG fera référence à cet audit régulièrement lors de nos réunions prévues avec Service correctionnel Canada afin d’assurer une sécurité accrue pour les travailleurs dans tous nos bureaux de libération conditionnelle dans la collectivité à travers le pays.


Par Kathleen Harris – Rédactrice principale à CBC News

Plus de dix ans après que l’horrible meurtre d’une agente de libération conditionnelle fédérale lors d’une visite à domicile ait mené à des promesses de réforme totale en matière de sécurité, une nouvelle enquête révèle que d’importantes lacunes perdurent pour ce qui est de la sécurité des employés de première ligne.

L’examen des politiques, pratiques et installations du Service correctionnel du Canada a relevé d’importants progrès au fil des ans, mais il a aussi soulevé une série de failles qui mettent inutilement les agents de libération conditionnelle en danger. 

« Même si la direction utilise les renseignements disponibles sur la sécurité du personnel travaillant dans la collectivité pour élaborer des procédures et améliorer les politiques et initiatives, des problèmes récurrents de sécurité du personnel ne sont toujours pas réglés », indiquait le rapport.

L’audit interne a révélé des équipements de communication inadéquats dans des régions rurales et éloignées, un manque de clarté quant à savoir qui devrait surveiller où se trouvent les employés à risque et un partage insuffisant d’information et de renseignements de sécurité. Il a aussi soulevé la configuration dangereuse de certains bureaux et un manque de formation d’appoint sur les questions de sécurité.

Onze ans après le meurtre « brutal »

Terminé en janvier et affiché tout récemment en ligne, le rapport arrive 11 ans après qu’un comité d’enquête examinant le décès de Louise Pargeter, publié en mars 2006, ait formulé des douzaines de recommandations pour renforcer la sécurité du personnel.

Eli Ulayuk a plaidé coupable, à Yellowknife, du meurtre au deuxième degré, en octobre 2004, de Mme Pargeter, mère de 34 ans originaire de Calgary. Il a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour un crime que le juge avait qualifié de « brutal et ignoble ».

Le tribunal a appris qu’Ulayuk, qui était en libération conditionnelle pour un homicide involontaire coupable remontant à 1988, avait matraqué Mme Pargeter cinq fois avec un marteau, l’avait étranglée avec de la ficelle et avait sexuellement agressé son corps.

Seule et sans arme

Mme Pargeter était seule et sans arme au moment de la visite à domicile. Des modifications subséquentes aux politiques exigeaient des déploiements « en tandem » pour des délinquants avec antécédents de crimes sexuels ou violents.

Certaines exceptions sont cependant faites dans certaines conditions et l’audit a conclu qu’on s’en servait souvent, y compris certaines exceptions reposant uniquement sur le fait que le profil de l’agent de libération conditionnelle (p. ex., homme ou femme) ne correspondait pas au profil de la victime du délinquant.

Selon le rapport, « [L]’exception peut compromettre la sécurité d’autres membres du personnel interagissant avec le délinquant dans la collectivité, dont des travailleurs sociaux, du personnel infirmer en santé mentale et des agents de réinsertion sociale ».

Environ 1 500 employés dans 92 bureaux de libération conditionnelle interagissent avec 8 000 délinquants dans les bureaux de libération conditionnelle, les centres correctionnels communautaires, chez le libéré conditionnel ou dans son lieu de travail. 

L’audit a relevé 141 incidents de sécurité dans la collectivité de juin 2012 à avril 2015, y compris 47 ayant directement compromis la sécurité d’un employé. Les incidents à signaler comprennent les décès ou blessures, la séquestration, la prise d’otage ou les incidents susceptibles de susciter l’attention soutenue des médias ou du ministre.

La partenaire de Mme Pargeter au moment de son décès, Anne Lynagh, dit que le SCC préconise une approche réactive plutôt que proactive aux incidents de sécurité, et qu’il consacre plus de ressources à découvrir ce qui est arrivé qu’à prévenir les incidents de sécurité.

« C’est incroyablement frustrant, » disait-elle. « Ils doivent avoir dépensé des millions de dollars pour le comité d’enquête pour Louise, et chaque recommandation qui figurait dans le rapport aurait pu être issue d’autres meurtres et décès au pays depuis le début de l’histoire. »

Mme Lynagh dit qu’il ne semble y avoir ni responsabilité ni punition ou mesure de suivi après des incidents de sécurité.

« Plus on considère tout ça, plus ça fait peur. C’est comme tout autre ministère : dès qu’il y a un problème, ça fait les manchettes, et le ministère dit “Eh oui, nous avons raté notre coup. Nous allons faire mieux. Faites-nous confiance” Ils apportent quelques changements… mais en réalité rien ne change. C’est comme la GRC. »

Appel pour des outils technologiques

Stan Stapleton, président national du Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général, qui représente les agents de libération conditionnelle, croit que des investissements en technologie, comme les dispositifs de repérage par GPS et les alarmes de panique, pourraient grandement améliorer la sécurité des agents de libération conditionnelle.

« S’ils pouvaient fournir ce genre d’outil, ce serait très utile, mais il s’agit d’une proposition plutôt dispendieuse et sans ressources, ce n’est tout simplement pas possible. Du moins c’est ce que le Service correctionnel nous dit, » de dire M. Stapleton.

Malgré les nombreuses mesures prises pour renforcer le système, M. Stapleton indique que les réductions budgétaires ont mené à l’utilisation de raccourcis et l’apparition de lacunes.

« Il faut plus d’agents de libération conditionnelle dans la communauté. Il n’y a absolument aucun doute à ce sujet, » disait-il. « Nous en avons besoin, non seulement pour faire le travail, mais pour leur sécurité et la sécurité du grand public. »

Avertissement

Le critique en matière de sécurité publique du NPD, Matthew Dubé, espère que ce rapport servira d’avertissement et incitera le gouvernement fédéral à prendre des mesures supplémentaires pour aborder les préoccupations en matière de sécurité et rehausser les appuis pour le trouble de stress post-traumatique.

« Alors que nous tardons à agir au parlement, les incidents continuent de se produire et d’engendrer des conséquences. Évidemment le plus tragique est la mort d’une agente, mais il y en a d’autres qui peuvent toucher la santé mentale, » disait-il.

« C’est inquiétant et cela devrait nous inciter à agir, car même si de nombreux enjeux en politique peuvent prendre longtemps à résoudre, il s’agit d’une question de sécurité qui a des répercussions à long terme pour la santé en milieu de travail de ces agents. »

Surveillance insuffisante

L’audit a aussi relevé des lacunes dans le système de registre d’arrivée et de sortie des agents de libération conditionnelle qui se rendent dans la communauté pour rencontrer des délinquants possiblement dangereux.

Dans certains cas, il y avait confusion quant à la personne responsable de savoir où étaient les employés et dans d’autres cas, les superviseurs disaient que leur charge de travail limiterait leur capacité d’intervenir si un employé manquait à l’appel.

L’audit comprenait aussi les conclusions suivantes :

  • Les évaluations de la menace contre les bureaux en communauté n’étaient pas effectuées ou à jour et l’aménagement physique des bureaux de libération conditionnelle n’offre pas toujours une ligne de visibilité à partir du bureau d’accueil. Les lignes directrices exigent une configuration qui permettrait aux employés de sortir en toute sécurité, mais la majorité des bureaux des agents de libération conditionnelle (70 % des bureaux visités) étaient configurés de façon à ce que le délinquant était assis entre l’agent et la porte.
  • Bien que la majorité des employés travaillant avec des délinquants possédaient un téléphone cellulaire et que la plupart des bureaux étaient dotés de systèmes d’alarme, l’enquête a soulevé certaines préoccupations relatives aux essais de fonctionnalité des systèmes. Elle a conclu que les téléphones cellulaires et satellites n’offraient pas toujours une couverture dans les zones rurales et isolées.
  • Contrairement à ce qui est requis, les bureaux dans la collectivité ne faisaient pas l’objet d’évaluations de la menace et des risques ou celles-ci n’étaient pas tenues à jour, ce qui signifie que les employés pouvaient ne pas être au courant des conditions actuelles pouvant les mettre en danger.

Le SCC se dit d’accord avec les conclusions et a préparé un plan d’action de la direction pour y répondre. Ce plan doit être mise en œuvre d’ici le 31 mars 2018.

http://www.cbc.ca/beta/news/politics/parole-office…