Il y a quelques semaines, notre pays a été bouleversé par des événements atterrants qui ont fait 11 morts et 18 blessés en Saskatchewan. Tout en pleurant collectivement la perte de ces vies, la population canadienne se pose maintenant des questions très importantes sur ce qui aurait pu être fait pour prévenir cette tragédie.
Quoique complexes, les réponses à ces questions portent toutes essentiellement sur la transformation du système.
Bien des Canadiens et des Canadiennes n’en sont pas conscients, mais à tout moment, il y a des milliers de délinquant-e-s fédéraux en liberté conditionnelle au Canada. La plupart des gens ne sauraient les reconnaître et ignorent où se trouvent les maisons de transition et les bureaux de services de libération conditionnelle chargés de la surveillance de ces délinquant-e-s dans les différentes municipalités du pays.
Soulignons que le plus souvent, les délinquant-e-s parviennent à se réinsérer de manière sécuritaire dans leur collectivité d’origine ou d’adoption, sans commettre à nouveau un crime majeur. Ce sont des gens qui réussissent à se forger une nouvelle voie grâce aux efforts de réhabilitation à l’intérieur et à l’extérieur des murs des pénitenciers fédéraux.
Malheureusement, d’autres n’y parviennent pas aussi facilement et finissent par retourner derrière les barreaux ou alors par faire des va-et-vient entre des logements marginalisés et des programmes collectifs sous-financés, comptant souvent sur une famille mal outillée pour prévenir une rechute dans le monde des gangs, de la dépendance ou du crime.
Soyons clairs : l’incarcération et la réinsertion réussie des délinquant-e-s fédéraux incombent en fin de compte aux organismes du gouvernement fédéral. Le Service correctionnel du Canada a pour mandat de gérer le risque potentiel que représentent les délinquant-e-s sous responsabilité fédérale en matière de sécurité publique, ainsi que leur réhabilitation. La mise en liberté sous condition est une étape importante dans la préparation des délinquant-e-s à une vie en dehors des murs de la prison. Elle permet de les orienter dans la bonne direction après une certaine période de surveillance.
De surcroît, c’est la Commission des libérations conditionnelles du Canada, nommément les membres qui la composent, qui décide en fin de compte du sort des délinquant-e-s en ce qui concerne les libérations anticipées et les conditions qui peuvent être imposées aux délinquant-e-s à qui l’on accorde la liberté conditionnelle dans la collectivité.
En 2014, le Service correctionnel du Canada a subi les contrecoups d’importantes coupes budgétaires dans son financement, qui ont notamment perturbé la dotation en personnel et les programmes offerts dans les pénitenciers fédéraux et dans la collectivité. Il est arrivé, dans certains cas, que ces coupes budgétaires empêchent le SCC de veiller à un retour à la normale harmonieux chez les délinquant-e-s qui sortent de prison et qui ont souvent un besoin urgent de se loger, de manger, de se vêtir, de bénéficier d’un soutien adapté à leur culture et d’accéder à un emploi.
Les partenaires communautaires, principalement financés par d’autres ordres de gouvernement ou par des organismes à but non lucratif, sont de plus en plus souvent contraints à accepter les délinquant-e-s sous responsabilité fédérale dans leurs programmes surchargés qui couvrent divers services de soutien pour la toxicomanie, la santé mentale, le ressourcement autochtone et autres. Et pourtant, le gouvernement fédéral n’a jamais octroyé de financement proportionnel pour ces lits et ces places supplémentaires qui jouent un rôle si crucial dans une réinsertion réussie.
Fondamentalement, si nous voulons gérer les risques à la sécurité publique et veiller à ce que les délinquant-e-s sous responsabilité fédérale aient des chances optimales de se réformer, nous devons nous assurer qu’il y a suffisamment d’agent-e-s correctionnels fédéraux dans la collectivité et que ces agent-e-s ont le temps et les ressources nécessaires pour évaluer les besoins complexes de chaque délinquant-e avant et au moment de la libération.
De plus, il importe que les ressources soient déjà en place pour faciliter l’accès aux programmes et services qui encouragent activement une réinsertion sécuritaire des délinquant-e-s sous responsabilité fédérale. Si le Service correctionnel du Canada ne veille pas à la mise en œuvre d’une telle infrastructure, les collectivités risquent de voir les délinquant-e-s retomber dans le mode de vie qui les avait initialement poussés vers le système de justice pénale.
Enfin, il est impératif que le gouvernement fédéral relance immédiatement le programme d’agent-e-s de liaison avec les services correctionnels communautaires. Ainsi, advenant une situation où un-e délinquant-e doit être réincarcéré, les possibilités de se retrouver illégalement en liberté, comme dans le cas de M. Sanderson, seront minimisées.
Supprimé en 2014 par le Service correctionnel du Canada, ce programme permettait à des policiers chevronnés et à des policières chevronnées de travailler directement avec les bureaux locaux de libération conditionnelle pour recueillir des renseignements sur les délinquant-e-s qui sortent du droit chemin. Quand il fallait réincarcérer immédiatement un-e délinquant-e fédéral, ces policiers et policières de liaison avaient l’autorité et la formation nécessaires pour exécuter rapidement un mandat et remettre la personne derrière les barreaux.
Il serait facile de se dire que les agressions survenues en Saskatchewan sont un événement isolé ou propre aux communautés autochtones. Or, c’est faux. Les lacunes du système correctionnel fédéral que la population tient trop souvent pour acquis doivent être corrigées rapidement. Sinon, nous risquons d’être hantés par la perspective d’une autre tragédie.
David Neufeld est le président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice.