Stan Stapleton, Président national du SESJ
Edmonton Journal
Lundi, le Service correctionnel du Canada a confirmé qu’il avait mis à pied deux agents correctionnels et deux gestionnaires de l’établissement d’Edmonton, prison à sécurité maximale, après avoir amorcé une enquête l’été dernier.
L’enquête a été initiée par une évaluation indépendante des lieux de travail qui a recensé de nombreux incidents de harcèlement sexuel et d’intimidation parmi les employé-e-s.
L’évaluation indépendante a révélé qu’une « culture d’intimidation et de harcèlement » est devenue fermement ancrée à l’Établissement d’Edmonton, alimentée en grande partie par un petit groupe de gardes ou d’agents correctionnels qui ont utilisé des tactiques et des menaces d’intimidation extrêmes pour maintenir le pouvoir.
De nombreux employés ont dit avoir fermé les yeux sur l’inconduite, y compris le mauvais traitement d’autres membres du personnel ou de détenus, parce qu’ils craignaient sincèrement faire l’objet de représailles de la part des intimidateurs. Certains employés, en grande partie des femmes, ont dit avoir été soumis à de la violence en milieu de travail, y compris du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles.
Par ailleurs, il a été déterminé que certains employés du Service correctionnel ont intimidé les employées avec des menaces de violence en suggérant qu’ils libéreraient des détenus à risque élevé sans intervenir.
Cette semaine, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a réitéré qu’il veut que l’on nettoie ce désordre. À la lumière de la récente arrivée du mouvement #moiaussi où des femmes se prononcent contre des agresseurs puissants en milieu de travail, il n’y a pas de temps à perdre.
Même si les récentes mesures prises par le Service correctionnel du Canada représentent un pas dans la bonne direction, les problèmes à l’Établissement d’Edmonton à sécurité maximale vont bien au-delà de quelques mauvais sujets. Les abus de pouvoir sans pareil d’un groupe d’employés, en grande partie des agents correctionnels, passent inaperçus par le Service correctionnel du Canada depuis plusieurs décennies.
Cela a donné lieu à un environnement qui facilite le traitement illégal et déshumanisant de certaines personnes, tant employées que délinquantes. Et ces mêmes problèmes surviennent dans plusieurs prisons à sécurité maximale du pays.
Il n’y a cependant pas de doute qu’Edmonton Max est parmi les pires. En 2013, cinq détenus de cet établissement ont intenté poursuite contre le Service correctionnel, alléguant que les gardes avaient craché sur eux, avaient mis des excréments dans leur nourriture, les avaient battus de façon régulière et avaient organisé un club de batailles sadique. Ce club, selon les plaignants, forçait deux délinquants de deux gangs opposés à se battre jusqu’à ce qu’un d’entre eux perde connaissance.
Tom Engel, l’avocat des détenus, a déclaré que « les gardes agissaient comme brutes, » et qu’il s’agissait d’un abus flagrant de pouvoir et une violation des droits de la personne. De plus, il exprimait sa consternation par rapport au fait que « la direction du Service correctionnel du Canada ne fait rien pour éliminer ce comportement. En fait, elle fait partie de la sous-culture, elle appuie les gardes et cache les délits. C’est le code du silence à l’œuvre dans nos prisons. »
Notamment, on a fait sursis aux accusations contre le Service correctionnel, car le cas a automatiquement expiré aux termes de la loi fédérale en attente d’une audience. Malgré ces récents efforts plutôt tardifs du Service correctionnel du Canada pour ajuster le parcours, la culture toxique qui y sévit ne changera pas sans intervention externe.
Si on veut corriger la situation à l’Établissement d’Edmonton, une équipe d’experts externe devra venir en surveiller la transformation. Des centaines d’employés se sont habitués à un environnement de travail où sévissent de profonds déséquilibres de pouvoir et des antécédents de négligence désastreuse. Peu de personnes croient que le Service correctionnel dispose de l’expertise, et encore moins de l’engagement, pour réellement changer.
L’Établissement d’Edmonton héberge certains des êtres humains les plus violents et les moins fonctionnels du Canada qui, par nature ou culture, se sont retrouvés mêlés dans un cycle vicieux de crime. Plus de la moitié de ces délinquants sont Autochtones, issus de familles déchirées par plus de sept générations de sévices subis dans les pensionnats. Ces personnes ont besoin de ce que le Service correctionnel a de meilleur à offrir en matière de programmes de réhabilitation, plutôt que d’une immersion continue dans un environnement hautement toxique et dommageable.
Clairement, l’inconduite et l’abus en milieu de travail à l’Établissement d’Edmonton ont été alimentés par des déséquilibres structurels de pouvoir qui ont conféré à certains employés un contrôle beaucoup trop puissant sur leurs collègues, les employés et les délinquants. Cette structure a été soutenue par un manqué étonnant de responsabilité.
Il y a peu d’espoir pour la transformation à long terme de l’Établissement d’Edmonton avant que ces dynamiques de pouvoir ne soient renversées avec l’aide d’une équipe externe indépendante.
Stan Stapleton a travaillé à l’Établissement d’Edmonton à titre d’agent correctionnel, puis d’agent de programme pendant 23 ans avant de devenir le président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice en 2014.