Le gouvernement fédéral remplace l’isolement cellulaire par une nouvelle forme de séparation des détenus

Cet reportage a été traduit de l’original, qui est disponible ici de CTV News :

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a introduit un nouveau projet de loi qui propose de réviser la façon dont les détenus fédéraux sont séparés de la population carcérale générale, éliminant l’isolement cellulaire tel qu’il est connu. La nouvelle législation permet aussi l’utilisation de scanneurs corporels dans le système carcéral fédéral.

Le projet de loi C-83 propose plusieurs modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, y compris le remplacement du système d’isolement préventif et disciplinaire actuel par des « unités d’intervention structurée ». Ces nouvelles unités, ou UIS, permettront aux détenus de rester séparés de la population carcérale générale s’ils ne peuvent pas exister en toute sécurité parmi les autres détenus.

Les détenus placés dans des UIS auront quatre heures par jour à l’extérieur de leur cellule, ainsi que deux heures par jour de contact humain 
« significatif ». À l’heure actuelle, les détenus en isolement n’ont droit qu’à deux heures à l’extérieur de leur cellule et n’ont droit à aucun contact humain.

« Ce projet de loi transformerait la façon dont le service correctionnel fédéral gère les détenus dont le comportement constitue un risque de sûreté et de sécurité qui ne peut pas être géré au sein de la population carcérale générale », a déclaré un fonctionnaire du ministère principal au cours d’une séance d’information sur le nouveau projet de loi.

« Cette approche nous permettra de maintenir ces niveaux vitaux de sûreté et de sécurité dans les établissements correctionnels, la capacité de séparer les délinquants les uns des autres », a déclaré M. Goodale, en parlant avec les journalistes du foyer de la Chambre des communes. Il a ajouté qu’en même temps, les agents correctionnels fédéraux seraient « mieux en mesure de poursuivre les programmes et les interventions et de s’attaquer aux problèmes de santé mentale, et ainsi de suite, ce qui n’était pas possible dans le cadre de la précédente approche d’isolement préventif. »

Dans un précédent projet de loi qui s’est embourbé à la chambre, le gouvernement proposait de limiter à 15 jours consécutifs la période qu’une personne pouvait passer en isolement, même si le système d’UIS proposé ne comprend pas de maximum prescrit de jours. Les fonctionnaires disent plutôt qu’ils vont surveiller les progrès d’un détenu comme indicateur clé, dans le but de l’intégrer à la population générale dès que possible.

La Presse canadienne a rapporté que le projet de loi C-83 remplacera le projet de loi précédent, qui n’a jamais fait l’objet de débats et ne sera plus poursuivi, selon un porte-parole du Bureau du ministre Goodale.

Le projet de loi modifie également les règles permettant l’utilisation de la technologie d’imagerie par balayage corporel comme solution de rechange à l’examen des cavités corporelles pour empêcher la contrebande d’entrer dans les prisons.

Il propose également d’améliorer les services de santé pour tous les détenus, y compris l’accès aux services de protection des droits des patients, pour les aider à mieux comprendre leurs droits en matière de soins de santé, et aider les professionnels de la santé des établissements correctionnels fédéraux à reconnaître l’importance de l’indépendance clinique.

La législation prévoit de nouvelles dispositions qui, dans toutes les décisions correctionnelles, doivent tenir compte des facteurs contextuels et systémiques dans les cas de détenus autochtones. La version anglaise remplace aussi le terme « aboriginal » par le mot « Indigenous » tout au long de la Loi.

Le porte-parole du Parti conservateur en matière de sécurité publique, Pierre Paul-Hus, a critiqué l’élimination de l’isolement préventif, alléguant dans une déclaration que les libéraux « adoucissent la loi pour rendre le temps de prison moins pénible pour les criminels ».

Le projet de loi C-83 permet aux victimes qui assistent aux audiences de la Commission de libération conditionnelle du Canada d’avoir accès à des enregistrements sonores de la procédure après coup, afin d’atténuer la difficulté de nombreux participants à les aborder à mesure qu’elles ont lieu.

Dans une déclaration, la commissaire du Service correctionnel du Canada, Anne Kelly, a déclaré qu’elle appuyait la nouvelle loi et qu’elle surveillerait ses progrès par l’entremise du Parlement afin de « veiller à ce que les mises à jour de nos politiques et de notre formation puissent appuyer sa mise en œuvre une fois entrée en vigueur. »

« Je crois que ces changements législatifs vont transformer le système correctionnel fédéral tout en veillant à ce que nos établissements offrent un environnement sûr et sécuritaire qui favorise la réadaptation des détenus, la sécurité du personnel et la protection du public. Ils contribueront également à faire en sorte que notre système correctionnel continue d’être progressiste et prenne en compte les besoins d’une population de délinquants diversifiée », a déclaré Mme Kelly.

Le gouvernement consacre plus d’argent au personnel et à la formation pour diriger ces unités d’intervention structurées, mais ne précisera pas le montant avant la publication du budget fédéral l’année prochaine.

Stan Stapleton, président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, a déclaré à CTV News que la loi exigerait un financement et des employés supplémentaires dans les établissements fédéraux pour être efficace.

« Il y a des preuves qui montrent que de solides programmes de réadaptation rendent les collectivités plus sûres et créent un environnement plus sûr pour les employés et les délinquants à l’intérieur des établissements », a déclaré M. Stapleton.

« En réalité, ces contrevenants – presque tous – reviendront dans la communauté. Et donc, si nous les enfermons et que nous jetons tout simplement la clé, nous ne leur fournissons pas les outils dont ils ont besoin pour réintégrer la société en toute sécurité.

Le projet de loi suit les décisions des cours supérieures de l’Ontario et de la Colombie-Britannique qui ont conclu que l’utilisation de l’isolement était inconstitutionnelle et vise à mettre en œuvre plus de 100 recommandations de l’enquête du coroner sur la mort d’Ashley Smith.

M. Goodale a qualifié le projet de loi comme étant « urgent », citant les délais de plusieurs mois imposés par les tribunaux au gouvernement fédéral dans leurs décisions respectives.

La mort de Mme Smith en 2007 été jugée un homicide après que l’adolescente se soit étouffée à mort dans sa cellule d’isolement. Mme Smith, qui avait passé plus de 1 000 jours en isolement, s’est étouffée à mort avec une bande de tissu dans sa cellule à l’établissement de Grand Valley à Kitchener, en Ontario. Les gardiens qui ont filmé sa mort ont témoigné qu’ils n’étaient pas intervenus à temps pour sauver la vie de Mme Smith parce qu’ils étaient sous les ordres stricts de la direction de la prison de ne pas entrer dans sa cellule.