Le rapport du vérificateur général sur les résultats obtenus auprès des délinquants ne surprend pas

Ottawa : Le personnel du Service correctionnel du Canada (SCC) qui travaille quotidiennement avec les détenu-e-s dans les pénitenciers du Canada ne s’étonne pas de la plupart des conclusions du rapport publié cette semaine par le vérificateur général. D’importants changements apportés à la législation fédérale au cours de la dernière décennie, combinés à des coupes à blanc du budget du SCC, ont conduit à ce que plus de délinquants soient incarcérés plus longtemps – sans parler de la réduction des ressources visant à appuyer leur transition vers la libération dans la collectivité.

« Vu un environnement juridique en mutation spectaculaire, le Service correctionnel du Canada a dû absorber d’importantes compressions budgétaires, qui en ont fait un environnement très diminué en ressources. Inévitablement, on observe des lacunes », a déclaré Stan Stapleton, président national du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG).

En raison notamment d’incitations à rationaliser et réduire ses coûts, le SCC a augmenté le nombre de délinquants affectés à la charge de travail de chaque agent de libération conditionnelle dans les établissements. Par conséquent, ces agents n’ont pas le choix de passer moins de temps avec les délinquants.

« Le personnel n’a simplement plus le temps de faire le travail, ajoute M. Stapleton. Les agents de libération conditionnelle des pénitenciers ont entre 25 à 30 cas à gérer simultanément, dont beaucoup de situations complexes, avec encore moins de ressources qu’auparavant. Et c’est un travail incroyablement fastidieux et exigeant. »

Dans le rapport, le vérificateur général Michael Ferguson s’est dit préoccupé que de nombreux délinquants ne peuvent être libérés en temps opportun, laissant l’impression que des agents de libération conditionnelle peuvent être en faute. En fait, des changements fédéraux apportés à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ont aboli la Procédure d’examen expéditif, une option autrefois disponible pour les délinquants non violents purgeant une première peine de ressort fédéral. Depuis plusieurs décennies, les délinquants fédéraux qui purgeaient une peine pour une infraction non violente étaient admissibles à une libération au sixième de leur peine. Aujourd’hui, les membres de ce groupe à risque généralement faible doivent attendre jusqu’au tiers de leur peine avant de pouvoir postuler cette option.

Les délinquants font également face à une autre réalité. En cas de refus de libération conditionnelle, la période d’attente pour revenir devant la Commission des libérations conditionnelles a été portée de six à douze mois. En outre, des pressions budgétaires importantes ont amené le SCC à supprimer des postes d’assistants de gestion de cas et de techniciens en collecte de données. Ces employé-e-s rassemblent des renseignements cruciaux auprès de partenaires de la justice pénale, information qui facilite les décisions quant à l’aptitude d’un délinquant à la libération conditionnelle.

« Il y a beaucoup plus d’éléments en jeu aujourd’hui en raison de la nouvelle législation », explique David Neufeld, vice-président national du SESG et ancien agent de libération conditionnelle. « Si des délinquants n’ont pas terminé un programme du fait d’être sur une liste d’attente, ou s’ils ou elles ne peuvent comparaître devant la commission des libérations conditionnelles à cause d’une baisse du nombre d’audiences en personne, ou si nous ne pouvons pas terminer à temps le processus d’évaluation du risque en raison d’un manque d’information, ces personnes se verront privées de l’occasion d’une libération progressive, structurée et supervisée dans la collectivité. »

La GRC a également changé son mode d’interaction avec le SCC. En raison des pressions qu’eux-mêmes subissent, leurs agents ont cessé de fournir un dossier complet et à jour des antécédents judiciaires de chaque délinquant, ce qui laisse aux agents de libération conditionnelle et à d’autres fonctionnaires du SCC le poids de reconstituer cette information à partir de diverses sources. Il arrive de plus en plus que les agents de libération conditionnelle n’aient pas un portrait complet des antécédents de chaque délinquant au moment de mener des évaluations de risques.

« Cette situation n’est simplement pas viable », affirme le président du SESG, Stan Stapleton.

La Commission des libérations conditionnelles du Canada a aussi changé sa façon de faire les choses. Des réformes législatives ont abouti à une augmentation des décisions prises sur papier, ce qui laisse à moins de délinquants la possibilité de présenter leur cause en personne devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Enfin, les ressources disponibles pour les délinquants libérés dans la collectivité, comme le requiert la loi, sont présentement en baisse. Cela inclut des choses aussi fondamentales que l’hébergement, les aliments et l’accès à des conseillers en matière d’emploi et de toxicomanie – des ressources conçues pour stabiliser le comportement des délinquants et accroître leurs chances de réussite dans la communauté.

L’hiver dernier, le Service correctionnel du Canada a annoncé qu’il ne subventionnerait plus un programme de résidence transitoire qui couvrait les frais de séjour de courte durée pour aider les délinquants libérés le temps de reprendre pied. Cela comprenait des séjours volontaires de courte durée dans une maison de transition. Dans cette situation, les agents de libération conditionnelle sont obligés de référer les délinquants à des maisons d’hébergement locales, où la drogue et l’alcool sont faciles d’accès.

« Ce n’est pas bon », ajoute Neufeld. « Nous avons des gars qui sortent après dix ans et qui n’ont littéralement aucun endroit où aller. Ils ont vécu pendant des années dans un environnement très structuré. Comme ils n’ont pas bénéficié d’un placement à l’extérieur, ils n’ont pas d’antécédents d’emploi. Ils ne sont pas en contact avec leurs familles. Et le SCC n’a aucune obligation de les soutenir. »

« Avec tout ce que nous dépensons pour les prisons, comment se fait-il que nous ne pouvons pas veiller à ce qu’un délinquant, à qui les contribuables viennent de consacrer plus d’un million de dollars en frais d’incarcération, puisse retomber sur ses pieds une fois libéré? »