Les agents et agentes de libération conditionnelle de première ligne et les autres membres du personnel pénitentiaire chargés de la réinsertion sociale doivent contribuer à l’élaboration de protocoles si l’on veut que les libérations anticipées des prisons fédérales se déroulent en toute sécurité
Le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice (SESJ) insiste pour que ses principaux représentants contribuent de façon importante à tout protocole permettant la libération anticipée des délinquants fédéraux.
Ceci fait suite à l’appel lancé par le ministre fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile Bill Blair au Service correctionnel du Canada et à la Commission des libérations conditionnelles du Canada afin d’accélérer certaines libérations de délinquants fédéraux.
Les membres du SESJ comptent plus de 2 000 agents et agentes de libération conditionnelle fédéraux, superviseur-e-s de libération conditionnelle et gestionnaires de l’évaluation et de l’intervention et gestionnaire de centre correctionnel communautaire (CCC), qui supervisent l’élaboration des plans de libération des délinquants et évaluent et gèrent le risque de récidive une fois qu’un délinquant est de retour dans la communauté.
Le président du SESJ, Stan Stapleton, a déclaré que bien qu’il comprenne les défis auxquels le Service correctionnel est confronté pour éviter que la COVID-19 infecte les populations carcérales, « nous craignons vraiment que les agents et agentes de libération conditionnelle concernés soient soumis à une pression énorme pour faire des recommandations de libération dans les cas où un délinquant ne disposerait pas des outils nécessaires pour mener à terme sa réinsertion sociale en communauté. L’analyse des risques doit continuer d’être rigoureuse. »
« Bien que nous reconnaissions que les milieux carcéraux fédéraux sont de plus en plus dangereux pour le personnel et les délinquants compte tenu de la COVID-19, tout plan qui libère des centaines de délinquants dans les communautés à travers le pays est, franchement, assez lourd de défis », a déclaré M. Stapleton.
En l’absence d’un plan réaliste concernant le lieu de résidence de ces délinquants et la manière dont ils se débrouilleront, les possibilités de libération anticipée seront extrêmement limitées. C’est particulièrement le cas pour de nombreux délinquants autochtones dont les communautés seront confrontées à d’immenses difficultés pour les réintégrer, dans les zones urbaines et rurales du Canada.
Par conséquent, tout protocole menant à la libération anticipée de délinquants doit être élaboré diligemment et en partenariat avec les principaux représentants du SESJ afin de garantir une analyse des risques et des ressources disponibles suffisantes.
« Il n’y a pas suffisamment de personnel, dans les pénitenciers ou dans les bureaux de libération conditionnelle pour effectuer cette analyse des risques dans tout le pays, étant donné la surcharge de travail des agents et agentes de libération conditionnelle fédéraux et des autres membres des équipes de gestion des cas depuis des années », a ajouté M. Stapleton.
Accélérer la libération anticipée de centaines de délinquants fédéraux est un exercice complexe qui nécessite d’innombrables heures et des évaluations complètes des risques par des équipes de gestion des cas, comprenant des agents et agentes de libération conditionnelle fédéraux travaillant principalement dans des établissements fédéraux à sécurité minimale et moyenne, ainsi que des agents et agentes de libération conditionnelle dans la communauté, des superviseur-e-s d’agents et agentes de libération conditionnelle, des gestionnaires d’intervention et d’évaluation, gestionnaires de CCC et des centaines de membres du personnel administratif.
Ensemble, ces équipes veillent à ce que chaque délinquant dispose d’un plan de libération complet, de sorte que s’il se voit accorder une libération conditionnelle par la Commission des libérations conditionnelles du Canada, il puisse effectuer une transition en toute sécurité vers un environnement stable où le risque de récidive est faible et ce risque peut être constamment réévalué.
Les employés de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui soutiennent la préparation des dossiers des délinquants dont la libération sera envisagée subiront également une très grande pression. Des centaines d’heures supplémentaires seront nécessaires pour que tout soit prêt à être examiné par les membres de la Commission des libérations conditionnelles et ce, en très peu de temps.
Mesures immédiates requises pour les établissements fédéraux.
Le SESJ partage l’inquiétude très réelle que la propagation de la COVID-19 ne pourra se contenir dans les pénitenciers fédéraux comme l’ont révélé les tests positifs de l’Établissement de Port-Cartier, au Québec, et d’autres établissements fédéraux.
Outre les hôpitaux et les résidences de personnes âgées, les établissements correctionnels fédéraux comptent parmi les établissements les plus bondés au pays. Malgré cela, le processus de d’évaluation sanitaire des employés dans les pénitenciers fédéraux est inadéquat.
De plus, les pénitenciers ont peu ou pas de capacité d’isolement adéquat ou de soins de santé à offrir à un délinquant qui aurait des symptômes de COVID-19.
Même si la population carcérale fédérale est légèrement réduite en vertu d’une libération anticipée, cela ne suffira pas à réduire le risque pour les milliers de délinquants et d’employé-e-s qui résident ou travaillent encore dans les établissements fédéraux. La plupart des pénitenciers à sécurité moyenne et maximale comptent entre 400 et 800 détenus vivant en proximité.
Le SESJ lance donc un appel au Service correctionnel pour qu’il prenne les mesures suivantes dans les pénitenciers fédéraux :
- Suspendre immédiatement toutes les visites non essentielles dans les pénitenciers, y compris les visites de contracteurs, sauf en cas d’urgence.
- Suspendre tous les programmes offerts en personne pour les délinquants ayant des besoins élevés et résidant dans des unités d’intervention structurées, qui ont remplacé l’isolement préventif dans les pénitenciers fédéraux.En raison du risque de violence envers eux-mêmes ou envers les autres, ces délinquants sont isolés de la population carcérale générale. Il faut envisager des solutions virtuelles.
- Fournir à tout le personnel qui transfère des délinquants malades vers un l’hôpital des équipements de protection personnel (EPP) pour réduire le risque de transmission entre les délinquants et le personnel de transport, qui doit retourner au travail et continuer à interagir avec ses collègues.
- Assurer un dépistage prioritaire de tout le personnel des services correctionnels fédéraux et des délinquants. Cette mesure n’est pas bien établie malgré les protocoles que les organismes de santé publique mettent en œuvre dans l’ensemble du pays.
- Permettre au plus grand nombre possible de membres du personnel administratif et de gestion des cas de travailler de la maison.
- Renforcer le processus de dépistage actif de la COVID-19 pour tous les employés entrant dans les prisons fédérales, tel qu’en prenant leur température. Cela permettra de s’assurer qu’aucune personne, même légèrement symptomatique, n’entre dans un établissement.
- Faire passer un test de COVID-19 à tous les délinquants recommandés à la Commission des libérations conditionnelles du Canada avant leur libération dans la communauté, même ceux qui sont asymptomatiques.
Le SESJ comprend qu’il n’existe pas de solution facile pour ralentir la propagation de la COVID-19 dans les pénitenciers au Canada. Il s’agit d’établissements dont la nature est complexe et qui accueillent des délinquants souvent violents et à besoins élevés. Cependant, il existe certaines mesures efficaces que le Service correctionnel du Canada peut prendre pour éviter qu’une situation difficile ne devienne désastreuse.