Poursuivre les efforts en matière de recherche sur la santé des agent-e-s de la sécurité publique

Stan Stapleton, Président national du SESG

Publié par The Hill Times: Le lundi 21 novembre 2016, 15 h 54

Cet automne, le Comité de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a déposé son premier grand rapport sur les défis en matière de santé mentale auxquels font face les employé e s de la sécurité publique au Canada.

En réponse à une motion de la députée libérale Pam Damoff, le Comité a étudié le phénomène des blessures de stress opérationnel et le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) chez les agent-e-s de la sécurité publique, y compris les premiers-ères intervenant-e-s et autres employé-e-s de première ligne. Le rapport proposait 16 recommandations qui, si elles étaient adoptées, pourraient mener à des environnements de travail plus sains et sécuritaires pour des milliers de travailleurs-euses de la sécurité publique au pays. 

La question du SSPT a été portée à l’attention des parlementaires pour la première fois en 2007, dans un rapport du Comité des anciens combattants de la Chambre des communes abordant les soutiens fort nécessaires pour les anciens combattants et autres victimes du syndrome de stress post-traumatique et de blessures de stress opérationnel (BSO). Un sous-comité du Sénat a aussi étudié la question en 2015.

Il est cependant de plus en plus reconnu que les blessures de stress opérationnel ne se limitent pas aux forces armées. Malheureusement, elles sont omniprésentes dans de nombreuses catégories de travailleurs-euses, y compris les premiers-ères intervenant-e-s et autres employé-e-s qui assurent la sécurité des Canadiens. Cette conscience grandissante des blessures de stress opérationnel à l’extérieur des forces armées a mené à la modification des lois d’au moins trois provinces, qui reconnaissent dorénavant les expériences de travail traumatisantes comme motif pour congé payé dans le cadre de l’indemnisation des accidenté-e-s du travail. 

C’est dans cette optique que le Comité de la sécurité publique de la Chambre des communes a entrepris la tâche de mieux comprendre la fréquence et la nature des blessures de stress opérationnel chez les milliers d’employé-e-s qui assurent chaque jour la sécurité des Canadien-ne-s. Les membres du Comité ont entendu de nombreux témoignages d’experts et d’organismes, certains très bien pourvus, d’autres beaucoup moins. 

Le témoignage des membres de l’Association des pompiers autochtones du Canada, qui ont abordé le manque désastreux d’équipements de base de lutte aux incendies dans bon nombre de communautés isolées des Premières nations était particulièrement navrant. Pour les pompiers de ces régions, le fait d’être en devoir est bien souvent précurseur au SSPT en raison du manque complet d’équipement, qui nuit à leur capacité de combattre les incendies résidentiels.

Le Comité a aussi entendu les témoignages d’agences et de syndicats qui représentent les employé e s du Service correctionnel du Canada, de la GRC et de divers autres ministères fédéraux. Ceux-ci ont souligné le fait que les employé-e-s qui travaillent de près avec les délinquant-e-s fédéraux-ales sont plus susceptibles de développer le SSPT et de subir des blessures de stress opérationnel.

Les expériences des délinquant-e-s condamné-e-s pour des crimes de ressort fédéral et dont la réadaptation est supervisée par les employé-e-s du Service correctionnel (y compris des enseignant e s, agent-e-s de programme et de libération conditionnelle) exigent un lourd tribut de ceux qui sont responsables de la transition de ces délinquant-e-s vers la communauté. Il n’est donc pas surprenant que ces délinquant-e-s aient souvent connu une enfance traumatisante et vécu d’autres conditions de vie difficiles, qui les ont mené-e-s vers des comportements de grande criminalité.

Pour pouvoir accomplir leur travail de façon efficace, les agent-e-s de libération conditionnelle doivent comprendre le-a délinquant-e et la gravité de son comportement criminel afin d’évaluer sa capacité de réadaptation. Pour ce faire, ils doivent bien souvent être exposés à des détails sombres et troublants du traumatisme du ou de la délinquant-e et à la douleur et la souffrance qu’ils ont infligées à autrui.

Les ressources qui faciliteraient la guérison, comme les services psychologiques et psychiatriques, sont rarement suffisantes pour appuyer les délinquant-e-s. Ce sont donc souvent les agent-e-s de libération conditionnelle et de programme qui doivent écouter leurs récits, apprendre à connaître leurs victimes et s’investir dans leur réussite ou leur échec. Par exemple, le triste héritage des pensionnats canadiens fait souvent toile de fond à ces récits d’agression, de traumatisme multigénérationnel et de génocide culturel.

Les employé-e-s travaillant à la GRC, à Justice, aux Poursuites pénales et aux tribunaux des droits de la personne sont aussi à risque de subir des blessures de stress opérationnel, y compris le SSPT, en raison de leur exposition répétée à des documents traumatisants, même s’ils n’interagissent pas directement avec les personnes accusées ou condamnées pour avoir commis des crimes de ressort fédéral. Le fait de transcrire les instances judiciaires et les déclarations des victimes de façon quotidienne peut ronger le sentiment de sécurité d’une personne. Les employé-e-s de première ligne des plus petits détachements de la GRC sont tout aussi vulnérables. Qu’ils fassent la répartition des agent-e-s, répondent aux appels d’urgence ou transigent avec le public, le travail des employé-e-s de détachement nécessite une vigilance perpétuelle qui peut amenuiser le sentiment de sécurité et la santé mentale au fil du temps.

Les blessures de stress opérationnel des agent-e-s de sécurité publique peuvent comprendre des périodes d’insomnie soutenue ou intense, de cauchemars, d’hypervigilance, de dépression et d’abus accru d’alcool, ainsi que l’altération des postulats de base à leur propre sujet et au sujet des gens et de la société.

Compte tenu du puissant témoignage offert par tant de témoins, le rapport du Comité demandait la création d’un Institut canadien de recherche sur la santé des agents de la sécurité publique.

Par coïncidence, l’Université de Regina héberge l’Institut canadien de recherche et de traitement axé sur la sécurité publique qui, compte tenu de son mandat, serait un candidat idéal. L’Institut proposé dirigerait l’élaboration d’une stratégie nationale sur les blessures de stress opérationnel, comprenant des politiques de prévention, de dépistage, de sensibilisation, d’intervention et de traitement.

Le mardi 22 novembre, le Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général organise une activité sur la Colline en compagnie de plusieurs député-e-s membres du Comité de sécurité publique. On y reconnaîtra l’excellent travail du Comité et on y célébrera les champion-ne-s de sécurité publique du Canada, qui travaillent souvent dans les coulisses. Nous espérons qu’elle servira aussi à poursuivre la conversation essentielle sur le rôle que jouent chaque jour des milliers de Canadien-ne-s pour assurer la sécurité de leurs concitoyens.