SESJ invité à faire une présentation devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne étudie actuellement les droits des détenus dans le système correctionnel fédéral, en particulier l’accès aux soins de santé mentale, l’incidence de l’isolement et la surreprésentation des minorités dans les prisons, parmi d’autres sujets. Le SESJ a été invité à faire une présentation devant ce Comité et le 6 février 2019, Stan Stapleton, le président national du SESJ, a présenté l’allocution suivante :

Je vous remercie énormément pour votre intérêt aujourd’hui, et pour permettre au Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice de faire la lumière sur le domaine des services correctionnels fédéraux.

Comme vous le savez sans doute, le SESJ représente la vaste majorité des employés du SCC – tant en établissement que dans la collectivité – à l’exception des agents correctionnels, c’est‑à‑dire les gardes.

Par conséquent, nous apportons une perspective holistique au système correctionnel fédéral en raison du rôle crucial que nous jouons à chaque étape du processus :

  • de l’évaluation initiale 
  • à l’élaboration de plans correctionnels, 
  • à l’affectation des délinquants aux programmes, à l’éducation ou aux possibilités de formation, 
  • à l’exécution de ces programmes,
  • aux préparatifs et à la planification de la libération des délinquants dans la communauté.

À cette fin, le SESJ comprend l’ensemble des agents et agentes de libération conditionnelle fédéraux (environ 1 500), ainsi que les gestionnaires de l’évaluation et de l’intervention, les agents et agentes de programme, les agents et agentes de liaison autochtone, les agents et agentes de développement auprès de la collectivité autochtone, les employé-e-s des services alimentaires, les préposé-e-s à l’entretien, etc.

Au niveau de la collectivité, les employé-e-s du SCC que représente le SESJ participent directement au suivi et au soutien à la réintégration des délinquants et délinquantes dans la communauté.

Il ne fait aucun doute que la plupart des employé-e-s du SCC prennent très au sérieux leurs rôles et responsabilités au sein du système correctionnel fédéral.

Cependant, ce qui distingue le SESJ, c’est que la grande majorité des employé-e-s qu’il représente participent au soutien à la réadaptation continue des délinquants et délinquantes fédéraux dès qu’ils ou elles entrent dans le système — afin qu’ils ou elles puissent reprendre leur place dans la communauté.

La semaine dernière, le SESJ a convoqué une table ronde révolutionnaire avec le ministre Ralph Goodale et 12 agents et agentes de libération conditionnelle de partout au pays.

Je considère cette table ronde comme étant d’une importance cruciale parce que le SESJ est d’avis que notre système correctionnel fédéral est extrêmement stressé… approchant un point de rupture. Pourquoi?

En raison des compressions effectuées dans le cadre du plan d’action pour la réduction du déficit en 2012, il y a eu un processus de rationalisation au sein du Service correctionnel qui a eu des incidences graves et en cascade depuis.

Ces conséquences influent directement sur la qualité du travail que les employé-e-s correctionnels entreprennent chaque jour à l’appui de la réadaptation des délinquants et délinquantes fédéraux. Trois questions ont dominé la table ronde de la semaine dernière avec le ministre Goodale.

1) Nous avons un problème de ratio dans nos établissements et dans la communauté. Les agents et agentes de libération conditionnelle sont chargé-e-s d’un nombre trop élevé de délinquant-e-s et n’ont pas suffisamment de temps ou de ressources pour leur accorder, en particulier ceux et celles qui ont des besoins élevés, l’attention qu’ils et elles méritent. Le PARD a augmenté les ratios dans les prisons fédérales à 1 à 25 (sécurité minimale), 1 à 28 (sécurité moyenne) et 1 à 30 (sécurité maximale).

De plus, il y a une sous-dotation chronique des agents et agentes de libération conditionnelle fédéraux, d’agents et agentes de liaison autochtone et d’agents et agentes de développement auprès de la collectivité autochtone dans l’ensemble du pays. Afin d’économiser de l’argent année après année, le SCC ne dote pas toujours tous les postes, y compris les postes d’agent et agente de libération conditionnelle. Qu’est-ce que cela signifie?

Cela signifie que lorsqu’un agent ou une agente de libération conditionnelle, par exemple, est en congé annuel, en congé lié au stress, en congé pour obligations familiales ou en congé médical urgent, on demande rarement à quelqu’un d’autre de prendre en charge les délinquants et délinquantes que cette personne supervise. Les agents et agentes de libération conditionnelle doivent demander à leurs collègues de s’occuper de leur charge de travail.

À l’établissement Kent, en C.-B. l’été dernier, cette approche signifiait qu’on n’avait pas affecté d’agent ou d’agente de libération conditionnelle à près de 90 délinquants. Cela présente des défis INSURMONTABLES lorsqu’il s’agit de gérer les risques que posent les délinquants et délinquantes et d’optimiser les possibilités de réadaptation pendant qu’ils et elles sont en détention.

Dans la communauté, nous constatons un nombre nettement plus élevé de délinquants et délinquantes libéré-e-s avec des conditions de libération conditionnelle, mais SANS ajustement à la formule de charge de travail des agents et agentes de libération conditionnelle pour s’assurer qu’ils et elles ont suffisamment de temps. Seulement 6 % du budget global du SCC est dépensé dans la collectivité 

En outre, l’accès aux logements supervisés et aux maisons de transition est totalement insuffisant, surtout en ce qui concerne les centres correctionnels communautaires qui logent les délinquants et délinquantes aux risques et aux besoins les plus élevés.

Cela signifie que les délinquants et délinquantes sont souvent entreposé-e-s en établissement alors qu’ils attendent un lit dans la communauté. Les soutiens communautaires, y compris pour les choses aussi banales que l’accès aux aînés, ou les soutiens à la toxicomanie, ne sont PAS financés par le SCC et de nombreux délinquants et délinquantes tombent entre les mailles du filet.

2) Qui plus est, en raison de changements importants apportés aux principaux programmes de réadaptation au sein du Service correctionnel, qui sont maintenant le Modèle de programme correctionnel intégré et le Modèle de programme correctionnel intégré pour Autochtones, de nombreux agents et agentes de programme estiment que l’efficacité de ces programmes a été compromise – et les délinquants ne reçoivent PAS ce dont ils ont besoin pour aborder les raisons qui les ont menés à commettre un crime fédéral en premier lieu.

3) La santé mentale et physique des employé-e-s du SCC que nous représentons est en déclin – ce qui influe directement sur la qualité de l’interaction entre les délinquants et délinquantes et le personnel. Le congé lié au stress est de plus en plus fréquent, en raison du fait que les charges de cas sont trop élevées et les ressources pour gérer les délinquants et délinquantes complexes avec des besoins multiples, NE SONT PAS là.

4) Enfin, je dirais qu’il existe une culture de peur au sein du SCC. Les employés du SCC que représente le SESJ voient un style de gestion dans l’ensemble du pays qui s’intéresse davantage aux statistiques qu’à écouter et intervenir en fonction de l’information lui parvenant des expériences de première ligne des employé-e-s qui appuient directement ou indirectement la réadaptation des délinquants et délinquantes.

Qu’il s’agisse de harcèlement entre employé-e-s, ou entre employé-e-s et délinquants ou délinquantes, le harcèlement a explosé et le SCC tarde à trouver des soutiens externes pour renverser la marée.

Bien que nous applaudissions la nomination d’une nouvelle commissaire, QUELQU’UN QUI APPORTE, SELON NOUS, UN STYLE ET UNE APPROCHE PARTICULIÈREMENT DIFFÉRENTS, la crainte parmi les employé-e-s du SCC de repousser contre la direction est si profondément enracinée, que ce soit le directeur ou la directrice, l’administration régionale, ou l’Administration centrale, il est difficile de savoir comment surmonter cet obstacle.

Ce sont là quelques-uns des principaux enjeux qui dominent les conditions dans lesquelles nous travaillons, ce qui, à son tour, influe directement sur le genre de travail que nous accomplissons avec les délinquants et délinquantes. Nous attendons avec impatience vos questions.

Je vous remercie.

Stan Stapleton
Président national 
Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice (SESJ)