Le 16 mars dernier, à Kingston, le président national David Neufeld et le vice-président régional Bill Bailey ont rencontré quelques membres du SESJ qui appartiennent au Cercle autochtone de l’AFPC afin de discuter des difficultés auxquelles se heurte le personnel autochtone travaillant au sein des services correctionnels fédéraux et auprès de délinquant-e-s autochtones.
La réunion avait pour but de permettre à la haute direction du SESJ de mieux comprendre certains des obstacles systémiques qui persistent, surtout pour les employé-e-s autochtones, et qui finissent par restreindre le nombre d’employé-e-s autochtones que le SCC parvient à recruter et à maintenir en poste.
Le message lancé depuis les premières lignes du SCC est clair : le recrutement du personnel autochtone doit mieux tenir compte de l’expérience vécue et de la discrimination que de nombreux peuples autochtones subissent depuis des siècles. Exigences de diplôme universitaire de premier cycle, absence de liens soutenus avec bon nombre de réserves et de bandes des Premières Nations, comités de recrutement autochtone qui ne comptent à peu près pas d’Autochtones… tous ces éléments s’additionnent et empêchent le Service correctionnel de recruter convenablement du personnel autochtone.
Le SCC et la fonction publique en général semblent satisfaits de la proportion d’employé-e-s autochtones au sein des services correctionnels par rapport à leur disponibilité respective sur le marché du travail. Or, la dure réalité est que les Autochtones sont surreprésentés dans la population de délinquant-e-s sous responsabilité fédérale. Il importe donc de redoubler d’efforts pour recruter un personnel autochtone qui saura favoriser la réhabilitation et la réinsertion de cette catégorie de délinquant-e-s.
Toutes les personnes présentes à la réunion se sont entendues sur le fait que les délinquant-e-s autochtones ont souvent des antécédents sociaux plus complexes que les autres compte tenu des séquelles des traumatismes multigénérationnels causés par les pensionnats et la perte de la langue, de la culture et du territoire. Cette population a donc besoin d’interactions et de programmes plus intensifs, d’un meilleur accès à des soins en santé mentale, d’autres modes de guérison (y compris des sueries et des interactions avec des Aîné-e-s), mais aussi d’aide en matière d’emploi, de logement et de toxicomanie, entre autres.
À la lumière de ces faits, il n’est pas surprenant que le personnel autochtone soit en proie à un niveau élevé d’épuisement professionnel. En effet, la charge de travail n’est aucunement ajustée lorsqu’il s’agit de délinquant-e-s autochtones. Les délais ne sont pas modifiés et les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées, malgré le fait que ces employé-e-s vont très souvent au-delà de leur devoir pour donner à ces délinquant-e-s sous responsabilité fédérale les meilleures chances de réussite possible. De plus, le remplacement d’un membre du personnel autochtone par une autre personne autochtone en cas d’épuisement professionnel n’est ni rapide ni facile puisqu’il y a une pénurie générale de personnel autochtone, ce qui ne fait qu’aggraver la situation, laissant le personnel autochtone avec encore plus de dossiers et encore moins de ressources. Compte tenu de ces conditions, le personnel autochtone peut rarement saisir des occasions de leadership au sein du Service correctionnel. Les membres du personnel autochtone se voient souvent refuser des promotions parce que le SCC ne peut pas se permettre de perdre un-e autre employé-e autochtone qui joue un rôle crucial dans les programmes ou qui travaille comme agent-e de développement auprès de la collectivité autochtone.
En réponse à ces préoccupations, le président David Neufeld a évoqué la table ronde autochtone organisée par le SESJ il y a cinq ans, qui avait servi de catalyseur à d’importantes discussions au sein du SESJ et du Service correctionnel du Canada. Il a noté qu’il était important pour le SESJ de réitérer ses revendications pour des changements structurels au sein du SCC afin de mieux soutenir le recrutement, la rétention et le perfectionnement professionnel du personnel autochtone au sein de l’organisation.
Le SESJ s’est engagé à prendre des premières mesures cruciales, notamment en écrivant une lettre à la commissaire Anne Kelly pour demander où en est le processus de recrutement d’un-e sous-commissaire des services correctionnels pour Autochtones et ce que sera le mandat de la personne qui sera embauchée. Nous sommes en droit de nous attendre à ce que cette personne soit autochtone et qu’elle jouisse du respect et de la crédibilité des communautés autochtones et du personnel autochtone du SCC.
En outre, le SESJ organisera avant l’été une table ronde virtuelle avec les responsables de programmes autochtones.
Nous avons aussi l’intention de souligner de manière marquante la Journée de la vérité et de la réconciliation en septembre prochain, notamment en invitant la commissaire Kelly et son équipe à s’asseoir avec certain-e-s membres du personnel autochtone qui pourront s’exprimer directement et communiquer leurs points de vue et leur sagesse. Le SESJ est impatient d’annoncer d’autres nouvelles dans les semaines et les mois à venir, et est très reconnaissant aux membres du SESJ qui ont pris le temps de donner leur point de vue au président David Neufeld et au VPR Bill Bailey.