En janvier 2022, plus de 600 agent-e-s de libération conditionnelle fédéraux ont signé une pétition virtuelle à l’intention de la commissaire du Service correctionnel du Canada, Anne Kelly, pour demander à cette dernière de faire enquête sur leur charge de travail insoutenable. Le personnel de première ligne vit depuis trop longtemps une intensification marquée des activités liées à la gestion des cas, sans qu’il y ait pour autant d’augmentation parallèle dans les ressources humaines.
Cette pétition se voulait un message clair à la commissaire Kelly : dans tout le pays, le statu quo ne fonctionne plus pour les agent-e-s de libération conditionnelle, et il importe de prendre les mesures nécessaires pour créer des outils de ressourcement qui assurent des charges de travail gérables sans compromettre les résultats essentiels en sécurité publique, tout en préservant la santé et le bien-être des agent-e-s de libération conditionnelle.
Pour l’instant, la réponse de la commissaire laisse pour le moins à désirer. Le seul plan présenté jusqu’à maintenant consiste à se rabattre sur le plan initial du SCC, c’est-à-dire la mise au point d’un outil de ressourcement pour les établissements fédéraux semblable à celui qui a été créé pour les libérations conditionnelles dans la collectivité et qui est utilisé depuis une vingtaine d’années. En tant que tel, le SESJ va bientôt enquêter sur l’impact de la FARALCC sur nos membres dans la communauté, ainsi que sur la protection du public. Le SESJ a clairement indiqué que nous nous opposerons activement à ce type d’approche s’il s’avère qu’elle cause des dommages. Cependant, ce type d’allocation de ressources est promu par le SCC comme la solution miracle à la surcharge institutionnelle et devrait être exporté vers les institutions dans un avenir proche.
SESJ demande un examen conjoint
En avril 2022, David Neufeld, président national du SESJ, s’est rendu à l’Établissement de Joyceville avec la commissaire Anne Kelly pour s’entretenir directement avec les agent-e-s de libération conditionnelle de première ligne sur les problèmes de charge de travail particuliers à cet établissement. L’Unité d’évaluation initiale de l’Établissement de Joyceville est considérée comme un « projet pilote » depuis maintenant six ans et n’a jamais été évaluée de façon adéquate quant aux répercussions sur la charge de travail du groupe des agent-e-s de libération conditionnelle. Lors de la rencontre, les agent-e-s de libération conditionnelle ont fait part de leurs points de vue et de leurs préoccupations importantes concernant leur charge de travail élevée, le resserrement des délais d’évaluation des progrès des délinquant-e-s pendant la pandémie et les difficultés liées à une planification adéquate des libérations.
Le SESJ a plaidé pour un examen conjoint sur le volume et la complexité du travail de libération conditionnelle à Joyceville et a exigé que davantage soit fait pour soutenir les agent-e-s de libération conditionnelle de cet établissement. Depuis la réunion, le SCC n’a donné aucune indication qu’il est prêt à répondre aux préoccupations immédiates et à long terme de nos membres et n’a assuré aucun suivi.
Malheureusement, tout développement potentiel quant à la question de la charge de travail des agent-e-s de libération conditionnelle est au point mort, et ce dans l’ensemble des établissements fédéraux (pénitenciers), des bureaux de libération conditionnelle communautaires et des centres correctionnels communautaires du Canada.
Vos droits en vertu de la convention collective PA
Par conséquent, il est important que les agent-e-s de libération conditionnelle comprennent la pleine mesure de la situation et leurs droits qui leur sont accordés en vertu de leur convention collective actuelle, ce qui exigera de travailler dans les limites de ladite convention. Sinon, les agent-e-s de libération conditionnelle continueront à subir des traumatismes liés au stress professionnel et de l’épuisement professionnel en raison des charges de travail ingérables.
Chez les agent-e-s de libération conditionnelle, il est courant de ne pas demander la rémunération des heures supplémentaires. Lorsque les agent-e-s de libération conditionnelle demandent des heures supplémentaires rémunérées, l’employeur refuse ou, dans le meilleur des cas, offre des heures ou des congés compensatoires. Cela va à l’encontre de la convention collective. Notons également que l’employeur n’hésite pas à offrir une compensation financière à de nombreux autres groupes d’employé-e-s.
La convention collective du groupe PA est sans équivoque. L’article 25.06 se lit comme suit :
Sauf indication contraire dans les paragraphes 25.09, 25.10 et 25.11 :
a. la semaine normale de travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures et s’étend du lundi au vendredi inclusivement;
etb. la journée normale de travail est de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h.
De plus, l’article 28.03 prévoit ce qui suit concernant les heures supplémentaires :
Généralités
a. L’employé-e a droit à la rémunération des heures supplémentaires prévue aux paragraphes 28.05 et 28.06 pour chaque période complète de quinze (15) minutes de travail supplémentaire qu’il ou elle accomplit :
i. quand le travail supplémentaire est autorisé d’avance par l’employeur ou est conforme aux consignes d’exploitation normales;
etii. quand l’employé-e ne décide pas de la durée du travail supplémentaire.
b. Les employé-e-s doivent consigner de la manière déterminée par l’employeur les heures auxquelles commence et se termine le travail supplémentaire.
c. Afin d’éviter le cumul des heures supplémentaires, l’employé-e ne doit pas être rémunéré plus d’une fois pour les mêmes heures supplémentaires effectuées.
d. Les paiements prévus en vertu des dispositions de la présente convention concernant les heures supplémentaires, les jours fériés désignés payés et l’indemnité de disponibilité, ne sont pas cumulés, c’est-à-dire que l’employé-e n’a pas droit à plus d’une rémunération pour le même service.
Les agent-e-s de libération conditionnelle doivent faire respecter leur convention collective et exiger des heures supplémentaires si leur charge de travail les oblige à travailler plus de 37,5 heures par semaine.
L’article 28.08 se lit comme suit :
Rémunération en argent ou sous forme de congé compensateur payé
a. Les heures supplémentaires donnent droit à une rémunération sauf dans les cas où, sur la demande de l’employé-e et avec l’approbation de l’employeur, ces heures supplémentaires peuvent être compensées au moyen d’une période équivalente de congé payé.
b. L’employeur s’efforce de verser la rémunération des heures supplémentaires dans les six (6) semaines qui suivent la date à laquelle l’employé-e soumet une demande de paiement.
Quels scénarios pourraient donner lieu à des heures supplémentaires ?
Exemples de scénarios où les agent-e-s de libération conditionnelle feraient fort probablement des heures supplémentaires :
Actions qui exigent une attention ou une intervention immédiate de la part de l’agent-e de libération conditionnelle :
- Décision tardive de la CLCC entraînant une libération à la fin de la journée;
- Suspension et/ou arrestation d’un-e délinquant-e à la fin de la journée;
- Risque accru dans la collectivité ou dans un établissement à sécurité minimale (violation d’une ou de plusieurs conditions, renseignements de tiers ou de professionnels, etc.);
- Transfèrement d’urgence ou ajout de tâches urgentes dans les 48 heures avant une audience de la CLCC ou du tribunal;
- Transfèrement d’urgence ou ajout de tâches urgentes dans la semaine précédent la date limite de la CLCC (échéance);
- Surveillance de délinquant-e-s dans la collectivité impliquant des déplacements sur de longues distances et, parfois, un nombre important de réunions de surveillance.
Exemples de scénarios où les agent-e-s de libération conditionnelle feraient probablement des heures supplémentaires :
- Périodes de vacances d’un-e ou de plusieurs collègues où des tâches doivent être assumées par d’autres, car il n’y a pas de remplacement;
- Absence soudaine d’un-e ou de plusieurs collègues entraînant l’obligation d’accomplir certaines des tâches de la ou des personnes absentes;
- Dossier abandonné nécessitant des actions qui sont doivent être assurées par quelqu’un;
- Ajout de tâches non standard (évaluations de dossiers, p. ex.).
Processus de demande d’heures supplémentaires
Les agent-e-s de libération conditionnelle doivent toujours demander l’approbation de leur responsable avant d’effectuer les heures supplémentaires. Il est recommandé de toujours soumettre ces demandes d’approbation par écrit. Si un-e responsable refuse d’approuver la demande d’heures supplémentaires, il est suggéré que l’agent-e de libération conditionnelle lui demande de classer par ordre de priorité le travail qui doit être accompli dans les 37,5 heures d’une semaine de travail donnée.
L’établissement des priorités de travail doit également être consigné par écrit afin qu’il soit possible de s’y reporter à l’avenir si un échéancier de rapport n’est pas respecté ou si l’exécution d’autres tâches est retardée.
Ceci étant dit, il faut reconnaître que les agent-e-s de libération conditionnelle sont des professionnel-le-s accompli-e-s qui tirent une grande fierté de leur travail – et que le fait de ne pas pouvoir terminer toutes ses tâches dans une semaine de 37,5 heures peut, en soi, être source de beaucoup de stress.
Agissez dès maintenant
Or, le moment est venu pour les agent-e-s de libération conditionnelle de faire front commun et d’adhérer à leur convention collective en exigeant la rémunération des heures supplémentaires. Ainsi, le SCC n’aura d’autre choix que de tenir compte de la charge de travail qui pèse sur ces agent-e-s de libération conditionnelle et de ne pas toujours s’attendre à ce que les agent-e-s de libération conditionnelle fédéraux (membres du SESJ) demandent tout simplement un congé compensatoire.
Il est bien connu que le congé compensatoire (ou le temps compensatoire) ne fait qu’alourdir la tâche qui attend l’agent-e de libération conditionnelle à son retour au travail. Malheureusement, ce n’est pas une solution aux véritables problèmes associés aux charges de travail élevées et ingérables.
Le SESJ reconnaît qu’il peut y avoir une certaine réticence à demander ou à réclamer une rémunération pour les heures supplémentaires. Cependant, l’objectif de la demande d’heures supplémentaires rémunérées est de réacheminer la responsabilité vers le SCC pour tout délai, toute échéance prescrite par la loi, etc. que les agent-e-s de libération conditionnelle fédéraux ne peuvent respecter en raison de leur charge de travail ingérable.
Si les agent-e-s de libération conditionnelle fédéraux réclament des heures supplémentaires rémunérées, la direction sera moins à même de « diviser pour régner » en discutant de plans de gestion du rendement et des « compétences en gestion de temps » de chaque agent-e de libération conditionnelle. Quand des déclarations officielles sont soumises à la direction concernant le besoin d’heures supplémentaires pour accomplir les tâches assignées, il y a non seulement une trace documentaire des problèmes de charge de travail, mais aussi la possibilité de déposer des griefs à l’avenir.
Au cours des six prochains mois, le SESJ surveillera toutes les situations où des agent-e-s de libération conditionnelle ont fait une demande et se sont vu refuser la rémunération d’heures supplémentaires par l’employeur.
Qu’est-ce que je peux faire ?
Ce que revendique le SESJ :
- Que chaque agent-e de libération conditionnelle transmette un courriel à son vice-président régional ou à sa vice-présidente régionale du SESJ lorsqu’une demande de rémunération d’heures supplémentaires est refusée par son ou sa responsable. Veuillez inclure le nombre d’heures demandé.
Pour consulter la liste des VPR du SESJ (SCC) : https://usje-sesj.com/fr/coordonnees-de-lexecutif-national/ - Les VPR du SESJ (SCC) transmettront ensuite l’information au Bureau national du SESJ, où sera tenu un dossier de toutes les demandes refusées pour des heures supplémentaires rémunérées.
- Le SESJ cernera régulièrement les zones (lieux de travail) problématiques où les heures supplémentaires ne se font pas approuver et révélera où les charges de travail sont ingérables. Cette information sera communiquée dans le cadre du processus de consultation patronale-syndicale avec le SCC.
Le SESJ estime que si l’ensemble des agent-e-s de libération conditionnelle demandent des heures supplémentaires rémunérées lorsqu’ils et elles en ont besoin, cela aidera à prouver le problème soutenu de la charge de travail élevée et du manque de ressources fournies aux agents-e-s de première ligne qui jouent un rôle clé dans la sécurité des Canadien-ne-s.
Si vous avez des questions concernant l’information susmentionnée ou les étapes à suivre pour demander des heures supplémentaires à l’employeur, veuillez vous adresser à votre VPR du SESJ.